Le Salon international du livre d'Alger (SILA) se vide de ses invités. Devant animer une table ronde consacrée aux luttes anticoloniales en compagnie de Dahou Djerbal, Aïssa Kadri et Samir Amin, l'historien français Olivier Le Cour Grandmaison annonce sa décision de ne pas participer au SILA. Dans une déclaration rendue publique hier, l'historien dénonce une «censure» et une «décision indigne» dont ont été victimes les deux premiers intervenants, dont la participation a été annulée par la direction du SILA après leur appel pour l'organisation d'une élection présidentielle anticipée. Auteur reconnu, Le Cour Grandmaison, qui vient de signer une tribune appelant l'Etat français à reconnaître les massacres du 17 octobre 1961, estime que son attachement aux droits et libertés démocratiques élémentaires lui interdit d'être complice, par sa présence ou son silence, à de tels agissements. «Indépendamment du contenu de l'appel incriminé, ma solidarité avec les personnalités exclues est pleine et entière. La défense de la liberté d'expression ne se divise pas et les atteintes portées à cette dernière sont partout inadmissibles», estime le spécialiste de l'histoire coloniale. Le commissariat de la 22e édition Sila a décidé d'annuler la participation de D. Djerbal et A. Kadri après la publication d'un appel lancé le 7 septembre dernier pour la tenue d'une élection présidentielle anticipée. Ayant visiblement reçu des injonctions, les responsables du commissariat n'avaient même pris la peine d'informer leurs invités par le canal habituel. Les deux intellectuels avaient été «informés par un appel téléphonique de la part d'un membre officiel du comité d'organisation de l'annulation de leur participation», a indiqué un communiqué signé par les concernés et d'autres intellectuels. Aucun motif n'a été avancé par les responsables qui ont pris la décision que ne renierait pas Andreï Jdanov, maître d'œuvre de la politique culturelle soviétique. «Cette décision non transmise par le même canal que l'invitation officielle relève, à notre sens, et si elle est avérée, au-delà d'une censure intellectuelle, d'une vengeance de bas étage contre des signataires d'un appel à une sortie de la crise ‘‘existentielle'' que vit le pays à travers la mise en place d'une transition consensuelle», précise le document. Le commissaire du SILA, Hamidou Messaoudi, a nié les faits. Son collègue du commissariat du Salon, Youcef Saïah a reconnu l'annulation de la participation des deux intellectuels, affirmant qu'il réagira après publication de l'appel (voir El Watan du 10.10.17). Le lendemain, l'animateur radio, guère bavard, ne donnera pas des détails sur cette décision liberticide prise par le commissariat du Salon. L'organisation du Sila connaît à la veille de son lancement quelques couacs : son commissaire, Hamidou Messaoudi, a été obligé d'apporter des «précisions» suite à ses déclarations controversée tenues sur la chaîne privée Ennahar. Une pétition appelant au boycott de la manifestation a été lancée pour dénoncer les propos misogynes du commissaire et non moins directeur de l'ENAG. Ces derniers mois, plusieurs activités culturelles ont été annulées sans motifs clairs. A Béjaïa, des conférences d'auteurs avaient été interdites par l'administration locale. Avec parfois le soutien de la force publique.