Homme de lettres, linguiste, sociologue et historien, Si Amar Boulifa est considéré comme un des premiers précurseurs de tamazight à son époque, au 19e siècle. Ont collaboré à l'organisation de cet hommage placé sous le thème «Les mérites de Boulifa dans l'enseignement de tamazight» et tenu simultanément à la maison de la culture Mouloud Mammeri et à la bibliothèque principale de lecture publique, le comité des activités culturelles et artistiques, l'association des enseignants de tamazight et les associations culturelles Saïd Boulifa et Issegh. Dans son allocution d'ouverture de cette journée d'hommage à la mémoire de Si Amar Boulifa, la directrice de la culture, Mme Nabila Goumeziane, notera que «les mérites de cet homme de lettres reviennent au fait d'avoir sauvé de la déperdition évidente une partie de notre patrimoine culturel populaire oral, à l'exemple des textes littéraires de grande valeur et des poèmes de Si Mohand, qu'il a eu la chance de rencontrer, comme il a entamé en même temps des investigations en archéologie et anthropologie, domaines réservés alors exclusivement à une certaine élite occidentale». Elle ajoute que «ce qui est sauvegardé de ses œuvres est toujours d'actualité pour les linguistes et les pédagogues», faisant remarquer en outre que, «dans ses travaux linguistiques, Si Amar Boulifa a fait paraître de nombreux contes recueillis et un grand nombre de récits dans la langue amazighe, ce qui a fait de lui le premier initiateur contemporain en tamazight écrite». Au cours de l'après-midi de cette journée et dans le sillage de l'hommage à l'enfant du village Adeni (Irdjen), une conférence-débat a été animée par des enseignants universitaires en tamazight, chercheurs et archéologues, Hacene Halouane, Saïd Chemakh, Hamid Bilek et Seddik Iazzouguene. Successivement, ces universitaires ont essayé de décrire les travaux que Si Amar Boulifa avait accomplis pour l'apprentissage du kabyle en éditant, à ses frais, des ouvrages, dont un intitulé Première année de langue kabyle, paru en 1910, dans lequel figure un riche glossaire de l'alphabet kabyle. Dans ce document, nous apprennent les conférenciers, figurent 58 leçons, ponctuées de méthodes explicatives de l'apprentissage du kabyle, notamment pour les non-amazighophones. Trois années plus tard (1913), l'auteur étayera son ouvrage par une autre œuvre, Méthode de langue kabyle. Il partage celle-ci en chapitres méthodologiques, facilitant l'apprentissage de la langue, en y présentant toutes les traditions sociales kabyles d'alors, aujourd'hui quasiment disparues. Les conférenciers déploreront la non-réédition des œuvres de Boulifa qui auraient pu, aujourd'hui, aider beaucoup les enseignants et les apprenants de la langue amazighe. L'administration coloniale ayant instauré des concours pour l'accès au diplôme d'enseignement de la langue berbère, Si Amar Boulifa sera le premier à décrocher son Brevet de langue kabyle, qui lui fut décerné le 29 juillet 1892 par l'Académie des lettres d'Alger. Les conférenciers ont décrit l'importance des travaux pour la langue amazighe, réalisés par les deux pionniers que sont Si Amar Boulifa et Mouloud Mammeri, même si un espace temps de près de 60 ans sépare les époques respectives de ces deux savants des 19e et 20e siècle. Ceux-ci ont, les deux, démontré surtout les subtilités de la langue, comme ils ont enseigné à l'université de Bouzaréah, ont assumé leurs projets respectifs, ont écrit sur les poèmes de Si Mohand Ou-Mhand, ont démontré que les Imazighen (les Amazighs en général) ont contribué à la civilisation universelle, etc. A noter que la famille de Si Amar Ousaïd Boulifa, issue du arch Aït Belkacem, a cherché vainement à trouver la tombe de son aïeul, inhumé à Alger, où il mourut en juin 1931 à l'âge d'environ 70 ans.