Dominée par l'arrivée d'Ahmed Ouyahia au gouvernement, dûment armé de sa miraculeuse planche à billets, et la résurgence du débat sur la santé du Président et sa capacité à gouverner, l'actualité n'a laissé jusqu'ici que très peu de place au rendez-vous des élections locales. A peine sont relayés les échos des protestations qui s'élèvent à propos de listes rejetées par l'administration, les récits de bagarres sur les candidats adoubés ou non par leurs partis, et les inévitables promesses de transparence de Bedoui. Certes, les élections n'ont plus bonne presse dans notre pays ; les échéances se limitent à des formalités ruineuses dont se passerait volontiers la collectivité, convaincue que les issues sont celles qu'aura décidé le «pouvoir» et mises en œuvre par ses bras administratifs et sécuritaires. Les expériences de l'Algérien avec l'urne ont malheureusement bien installé ce fatalisme achevant d'enlever à l'acte électoral, grand acquis de la démocratie devant l'Eternel, toute la portée militante, sinon citoyenne, qui fonde la dynamique politique et renforce l'assise institutionnelle de l'Etat. Les avortons institutionnels qui résultent des grandes abstentions et des fraudes ne peuvent même plus servir d'alibis ; le spectacle de l'Assemblée populaire nationale (APN) est sur ce point aussi affligeant qu'édifiant ; se sachant mal élus, ses membres se condamnent, soit au soutien sans limite, et parfois vulgaire, du gouvernement soit à une sorte d'«oppositionnisme» populiste et rageur comme pour se faire pardonner des proximités indues avec le «système». Restera au scrutin local les dynamiques de ses enjeux spécifiques pour un peu se tirer d'affaire et recueillir des seuils de participation moins lilliputiens que ceux ayant marqué les dernières législatives. D'essence plus pragmatique, cette compétition de proximité s'embarrasse de moins en moins des «marques» partisanes des candidats. Les réseaux d'influence locaux, notamment en zone rurale, s'occupent de porter ou d'abattre les listes, même si l'emprise de la tribu semble de plus en plus sujette à caution. En milieu urbain, des «indépendants» font valoir leur capacité à fédérer des énergies locales pour agir sur des situations aussi immédiates que la gestion des déchets ménagers ou la protection des espaces verts. Ce qui est dans le cœur même de la vocation de l'APC. L'accession à la «mairie» pour ces candidats issus le plus souvent de la «société civile» est une continuité de l'action entamée souvent depuis des années comme animateurs de la cité. Le mérite de cette catégorie de candidats n'est pas des moindres dans un environnement social des plus hostiles à l'urne, et face à une machine administrative aussi rouillée qu'acquise inconditionnellement au pouvoir central et ses notabilités locales historiques. S'il est évident qu'il ne faut pas compter sur ces élections pour remodeler quelque chose dans le paysage politique actuel ou imprimer des trajectoires moins pessimistes à l'économie, il est certain que dans beaucoup de localités la compétition ne sera pas sans intérêt pour les populations.