Le mois passé, les voyageurs à destination de l'aéroport de Zenata (Tlemcen) ont vu leur vol annulé et ont été contraints d'embarquer sur un vol Alger-Oran, qui a fait un détour par l'aéroport de Zenata pour les déposer avant de continuer son vol vers la capitale de l'Ouest. Une citoyenne qui devait rejoindre, il y a une semaine, Constantine pour une visite familiale a vu son avion atterrir à Tébessa. Une responsable de communication d'une chaîne hôtelière à Oran, obligée de venir à Alger régulièrement, en a gros sur le cœur : « Je peux comprendre qu'une compagnie aérienne puisse accuser un retard, mais souvent personne ne vient nous signaler ce retard. On est abandonné à notre sort dans une salle d'embarquement. On ne peut même pas téléphoner à ceux qui nous attendent pour leur dire que l'avion arrivera à telle heure. » Fella, une demoiselle qui a aussi l'habitude de faire les va-et-vient entre Oran et Alger dans le cadre professionnel, s'insurge : « Un jour, l'avion qui devait atterrir à Oran en fin d'après-midi l'a fait en pleine nuit. Vous imaginez mon embarras, surtout que j'habite du côté de Mascara. » Mohamed Maghlaoui, ministre des Transports, a reconnu récemment qu'« il n'y a pas de défaillances dans la gestion de la compagnie nationale, qui répond aux règles établies par le code civil international, mais qu'il y a cependant des insuffisances au niveau du réseau domestique ». Selon le ministre, une étude est en cours pour analyser ces carences et des actions seront introduites « afin d'améliorer les prestations d'Air Algérie qui revêtent un caractère prioritaire aux yeux des pouvoirs publics ». La date du vendredi 1er décembre 2006 a été retenue comme journée de la ponctualité. Dans ce cadre, les escales ont été instruites pour entamer toutes les actions auprès des personnels et intervenants aéroportuaires afin que le traitement des aéronefs soit achevé dans les délais. M. Bafdil, chef de centre, nous a accueilli à l'aéroport international d'Alger pour nous donner les résultats de cette initiative : « On a fait 81 vols avec un taux de ponctualité de 82%. Le réseau domestique a enregistré 88% et le réseau international 78%. Ce n'est pas loin des objectifs fixés qui sont de 85%. » Selon lui, « dès qu'il y a une anomalie qui perturbe la régularité des vols, il y a une communication transmise à la DG. Exemple : le 30 novembre, on a eu des conditions météorologiques défavorables au niveau des escales France (brouillard) et au Sud algérien, cela a entraîné des retards et le recalage de certains vols et des reports de vols (tempête de sable à Adrar). Nous avons reporté le vol au lendemain. Il suffit d'une heure de retard pour qu'il y ait un enchaînement qui se traduit par une régulation du trafic ». Un plan d'action spécifique de l'entreprise avec des orientations claires a été envoyé : dès qu'il y a un retard supérieur à 15 minutes, le personnel doit le signaler ainsi que la cause qui a entraîné l'irrégularité et les mesures correctives que l'escale peut entamer et faire des suggestions aux services centraux. Dans une note de service de la direction des transports datée du 2 novembre dernier et signée par le chef de département traitement passagers, il est relevé : « L'absence d'information en cas de retard de vol est un défaut de notre service, d'autant plus dévalorisant qu'il sensibilise vivement nos passagers qui n'en comprennent pas la cause et l'attribuent à de la négligence. » « Déficit d'information » Que réclament en fait les passagers ? Selon ce document, ils veulent une information aussi anticipée que possible sur le retard prévu de leur avion et, au plus tard, lorsqu'il s'agit d'un retard imprévu avant l'heure normale d'embarquement, une information sur la cause du retard, une information sur la durée probable de ce retard, l'information devant éventuellement être réajustée avant l'expiration du délai annoncé et des excuses, y compris en cas de vol recalé, un horaire recalé étant, pour le passager, un retard comme un autre. Le chef de centre revient à la charge : « Jusqu'à un certain moment, on a été un peu le punching-ball. Le client ignore tout des contraintes. Pour lui, on lui a dit vous partez à telle heure et il doit partir à cet horaire, il y a un déficit d'information. » Il précise que les aménagements de certains aéroports « ne sont pas adaptés à notre clientèle. Vous arrivez avec 12 tonnes de bagages, les temps de traitement ne sont pas aux standards et il y a aussi le contrôle sûreté et douanes ». Il ajoute : « On nous a demandé de faire la ligne Chlef - Marseille. L'avion vient plein mais pour faire Chlef- Marseille, il doit atterrir à Alger et il arrive à Marseille en retard. Pour le passager, c'est un retard Air Algérie. Pour aller à Timimoun (il n'y a pas de carburant), l'appareil est obligé de se poser à Ghardaïa. A Oran ou Constantine, vous ne pouvez pas aligner deux vols en moins d'une demi-heure. A Constantine, c'est un aéroport domestique au sens propre du mot. A Oran, on ne peut utiliser qu'une salle d'embarquement. » Dans une directive de la DG n°2103/06, il est écrit noir sur blanc : « Les résultats de ponctualité des vols se sont fortement dégradés durant la pointe été 2006. La durée moyenne des retards est de 84 minutes (67 minutes en 2005). Plus de 20% des retards ont une durée supérieure à 2 heures. Les résultats montrent que 51,1% du total des retards sont imputables aux structures de la compagnie (technique, catering), 26,6% à l'enchaînement des rotations d'appareils ou d'équipage et 22,3% à des causes externes (autorités aéroportuaires, météo et autres). » Le bilan de la pointe été 2006 sur la ponctualité montre une « forte dégradation ». Cette « contre-performance opérationnelle » est en totale contradiction avec les efforts importants consentis par l'entreprise (renouvellement complet de la flotte, mise à niveau des structures, mise en place d'outils de gestion commerciale moderne, informatisation des systèmes de gestion) pour se hisser aux normes internationales et se conformer aux nouvelles règles édictées par l'évolution du marché aérien dans un environnement concurrentiel rude. Outre le fait de détourner la clientèle vers les concurrents sur le réseau international, les retards entraînent des frais de prise en charge des passagers au sol élevés (restauration, hébergement, transport, surcoût assistance, pénalité de nuisance) et détériorent les relations avec les partenaires (assistants, autorités aéroportuaires) qui sont appelés à maintenir tardivement du personnel pour le traitement des passagers. La situation s'est tellement détériorée que la direction générale tente de reprendre les choses en main. Par ailleurs, dans les perspectives d'ouverture de lignes « longs-courriers », cette action prioritaire visant « la ponctualité des vols » constitue un défi à relever par toutes les entités et nécessite l'adhésion de tout le personnel pour la réussite de la démarche initiée. Le respect de l'horaire de départ ne doit plus être considéré comme un détail. C'est même un chantier ouvert, car le non-respect de la ponctualité a altéré l'image de marque de l'entreprise. La bataille que se livrent les compagnies aériennes se joue également sur ce terrain. Les lignes intérieures resteront encore pendant longtemps un casse-tête pour Air Algérie, d'autant plus qu'aucune autorisation d'exploitation ne sera délivrée à une compagnie aérienne privée avant l'année 2009, soit avant la restructuration totale de la compagnie nationale. Elle reste ainsi en position de monopole. La restructuration n'est pas un simple réaménagement, mais une décision stratégique destinée à améliorer, notamment, la compétitivité face à la concurrence et offrir des prestations de services à des prix abordables. La mise en place d'Air Algérie Domestics, pour les lignes intérieures, a pour objectif l'émergence d'un modèle de transport aérien à tarifs réduits, avec l'introduction d'avions adaptés (module 70). En 2005, la compagnie aérienne a transporté 1 906 223 passagers (18 211 départs) sur l'international et 1 476 469 passagers (23 398 départs) sur le réseau domestique.