Le 25 avril 2016, le prince héritier Mohammed Ben Salmane Al Saoud dévoilait officiellement au monde entier son ambitieux programme de réformes. Intitulé «Vision 2030», le plan doit permettre à Riyad de sortir de sa dépendance au pétrole et de faire le grand saut dans l'économie du XXIe siècle. Qualifié d'audacieux, le projet en question prévoit également de moderniser la société saoudienne. A défaut de pouvoir empêcher le changement, les nouvelles autorités saoudiennes ont compris qu'elles avaient effectivement tout intérêt à l'accompagner et à le canaliser. Surtout que la population saoudienne est jeune, impétueuse et qu'elle commence à demander le changement. Pour Mohammed Ben Salmane, cette modernisation passe visiblement par un changement du référent religieux de l'Arabie Saoudite. C'est de la sorte, sans doute, qu'il convient de décrypter son discours prononcé hier à Riyad au cours duquel il a soutenu que son pays allait renouer avec un islam «modéré» et «tolérant». En tenant de tels propos, Mohammed Ben Salmane fait carrément le procès sans concession du wahhabisme. «Nous ne ferons que retourner à un islam modéré, tolérant et ouvert sur le monde et toutes les autres religions», a-t-il déclaré lors d'une conférence économique à laquelle étaient conviés 2500 délégués. «Nous n'allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant. Nous allons détruire l'extrémisme très bientôt», a-t-il assuré. Le wahhabisme au placard Le futur roi d'Arabie Saoudite ne recommande en réalité rien d'autre que de mettre le wahhabisme au placard. Ou à tout le moins de brider fortement ce rite ultraconservateur qui a valu au royaume d'Arabie Saoudite d'être accusé d'être l'inspirateur et le financier du terrorisme mondial. Beaucoup de pays considèrent par ailleurs le wahhabisme comme la matrice du terrorisme islamiste et de l'extrémisme violent. C'est justement pour rompre avec cette image détestable que les autorités saoudiennes ont décidé de faire table rase de certaines pratiques du passé. Mohammed Ben Salmane a estimé en outre que l'Arabie Saoudite avait abandonné la modération en 1979 avec la montée en puissance de courants religieux extrémistes. Révolutionnaire, ce discours provoquera probablement une levée de boucliers des milieux religieux conservateurs qui s'opposent encore à toute idée de libéralisation ou d'émancipation de la société saoudienne. C'est la première fois en effet qu'un haut responsable saoudien s'attaque d'une manière aussi frontale à l'establishment religieux et à ses principaux dogmes. Cette annonce inattendue s'ajoute à la décision prise par le prince héritier, la semaine dernière, de mettre sur pied une commission à laquelle il est demandé d'expurger les hadiths des textes violents ou dont l'authenticité n'est pas prouvée. Pour certains observateurs, Mohammed Ben Salmane, en agissant de la sorte, préconise carrément une réforme de l'islam. Sous son conseil, le roi Salmane d'Arabie Saoudite a également signé en septembre dernier un décret autorisant les femmes à conduire. La mesure entrera en vigueur dans dix mois, en juin 2018, après le prochain Ramadhan. Le modèle émirati Ce délai est censé laisser le temps aux femmes de passer leur permis de conduire. De nombreuses femmes de l'élite saoudienne qui pouvaient conduire à Londres ou à Dubaï mais pas à Riyad avaient tenté de braver cette interdiction en Arabie Saoudite mais avaient été systématiquement arrêtées. L'interdiction de conduire était emblématique de la mise au pas des femmes dans le royaume. L'Arabie Saoudite était le seul pays au monde à interdire l'accès au volant aux femmes. Pour libérer la société saoudienne du joug des religieux, le fils du roi Salmane a également décidé d'investir des sommes colossales dans le développement du tourisme et de l'industrie du divertissement. Un spécialiste de l'Arabie Saoudite a confié hier à El Watan que Mohammed Ben Salmane rêve de faire ressembler son pays aux Emirats arabes unis où il se rend souvent pour écouter les conseils du cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nahyane. C'est justement le chef de cette monarchie absolue mais ouverte qui lui aurait soufflé l'idée de lancer Vision 2030. La question est de savoir maintenant si Mohammed Ben Salmane aura vraiment les coudées franches pour réaliser son rêve de propulser l'Arabie Saoudite dans la modernité.