L'allocution du président indépendantiste de la Catalogne, Carles Puigdemont, prévue hier à 13h30, à Barcelone, a été suspendue, a annoncé le gouvernement local, sans donner d' explication, à la veille d'un vote au Sénat sur une probable suspension de l'autonomie de sa région. Au milieu de l'après-midi et selon certaines sources, Carles Puigdemont allait annoncer la convocation d'élections au Parlement régional le mercredi 20 décembre. Le président de la Generalitat devait annoncer très vite la dissolution du Parlement catalan. De quoi couper l'herbe sous le pied du pouvoir central, alors qu'une commission sénatoriale devait justement se réunir hier après-midi pour mettre en place le fameux article 155 de la Constitution et suspendre le processus de mise sous tutelle, par Madrid, de cette région de 7,5 millions d'habitants. Coup de théâtre au gouvernement régional de Catalogne. Nouvelle négociation, divisions internes des séparatistes catalans ? Ce discours impromptu intervient alors que le dirigeant régional est sous pression, y compris dans le parti de Carles Puigdemont «PDeCAT» conservateur indépendantiste, pour convoquer immédiatement des élections régionales. Après avoir décalé son allocution, Carles Puigdemont s'est exprimé finalement hier à 17h pour annoncer que son gouvernement ne convoquerait pas d'élection, seule voix exprimée par Madrid pour ne pas poursuivre l'article 155 de la Constitution pour suspendre l'autonomie. «Je n'ai pas reçu de garanties suffisantes de la part du gouvernement espagnol pour organiser ces élections régionales anticipées», a déclaré le président indépendantiste de la Catalogne, Carles Puigdemont. Et d'ajouter : «Le Parlement catalan doit décider de la réponse à la mise sous tutelle. Il est de mon devoir d'épuiser toutes les voies pour trouver une solution de dialogue dans un conflit politique.» Actuellement, les séparatistes disposent d'une majorité d'élus au Parlement catalan du fait de la création d'une coalition allant de l'extrême gauche au centre droit et baptisée Junts Pel Sí (Unis pour le «oui»). En 2015, bien que minoritaire en voix, cette coalition avait raflé 71 des 135 sièges grâce à la division des unionistes et au système de scrutin par province. Les Catalans sont divisés à parts presque égales sur l'indépendance et certains sont décidés à résister à la suspension de l'autonomie de leur région, reconquise après la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975), même si le gouvernement assure qu'elle n'est destinée qu'à rétablir l'ordre constitutionnel. Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol, avait en effet annoncé que la mise sous tutelle des institutions contrôlées par la Catalogne serait suspendue, si ces élections étaient convoquées. De leur côté, les 27 sénateurs espagnols membres de la commission devaient pourtant bien commencer à débattre sur la suspension de l'autonomie de la Catalogne dès jeudi. La Chambre haute se réunira ensuite aujourd'hui en séance plénière pour ce vote historique. Des collectifs d'étudiants ont aussi appelé à des grèves dès hier à Barcelone. Le syndicat majoritaire dans l'enseignement en Catalogne, Ustec, a appelé «la communauté éducative à résister aux exigences» de l'Etat, annonçant qu'il ne reconnaîtrait comme interlocuteurs que ceux qui «représentent la légitimité populaire». Des milliers d'étudiants étaient rassemblés hier à la mi-journée à Barcelone pour soutenir la proclamation d'une République indépendante et protester contre la mise sous tutelle de la Catalogne prévue par Madrid. Le mouvement Universités pour la République et le Syndicat étudiant ont appelé à une journée de grève dans les universités dans les quatre plus grandes villes catalanes, Barcelone, Girone, Lleida et Tarragone, afin de protester contre l'application de l'article 155 de la Constitution espagnole, permettant de mettre sous tutelle la Catalogne et pour réclamer l'autonomie des universités. Perpignan se prépare Face à la crise qui déchire la Catalogne et l'Etat espagnol, les Catalans de France organisent un soutien pour leurs cousins du Sud. Le département des Pyrénées-Orientales a longtemps fait partie de la Catalogne et n'est devenu français que dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. De nombreux Républicains catalans fuyant la dictature franquiste y ont naturellement trouvé refuge à la fin des années 1930. Aujourd'hui, la solidarité s'organise à nouveau côté français avec la montée de la cause indépendantiste. Un comité de solidarité catalan de 150 personnes a décidé de créer un compte bancaire pour aider les cousins de Catalogne du Sud. Depuis le début de la crise entre Madrid et Barcelone, les sympathisants se mobilisent. Il y a une semaine, près de 500 personnes se sont réunies pour protester contre l'arrestation de deux indépendantistes, notamment Jordi Sanchéz de l'Assemblée nationale catalane ( ANC) et Jordi Cuixart de Omnium Culturelle. Avec la menace de mise sous tutelle de la Catalogne, certains s'attendent à un éventuel exil du gouvernement catalan. Des militants pro-indépendantistes du département français des Pyrénées-Orientales ont informé avoir offert «l'hospitalité au président Carles Puigdemont pour un gouvernement catalan en exil à Perpignan», dans le sud de la France.