Le ministre espagnol de la Justice a affirmé mardi que la convocation d'élections régionales anticipées en Catalogne ne suffira pas à elle seule pour empêcher une suspension de l'autonomie de la région et la destitution de son président indépendantiste Carles Puigdemont. "La violation par M. Puigdemont de ses obligations ne se règle pas exclusivement en convoquant des élections", a déclaré le ministre Rafael Catala à la radio RNE, ajoutant qu'il faudrait "des élections et quelque chose en plus". "Par exemple, déclarer expressément si cette déclaration d'indépendance qu'ils manifestent avec tant d'ambiguïté a eu lieu ou non", a-t-il précisé, alors que Carles Puigdemont pourrait s'exprimer au Sénat à Madrid avant que la chambre haute n'autorise, vendredi, le gouvernement à prendre le contrôle des compétences de la Catalogne. "Il ne l'a pas fait jusqu'ici, donc ne croyez pas que je m'attende à grand-chose", a cependant ajouté le ministre conservateur espagnol. Le gouvernement espagnol a lancé samedi cette procédure prévue par l'article 155 de la Constitution, qui lui permet de mettre en œuvre des mesures drastiques: destitution de l'exécutif indépendantiste, mise sous tutelle de la police, du Parlement et des médias publics catalans et organisation d'élections anticipées pour janvier. "S'il s'exprime pour réitérer ses positions sur l'indépendance de la Catalogne, malheureusement, nous ne pourrons pas faire autrement qu'appliquer les mesures avancées par le gouvernement", a lancé Rafael Catala. M. Puigdemont a menacé de proclamer l'indépendance si ces mesures étaient mises en place. Il s'appuie sur un référendum d'autodétermination organisé le 1er octobre malgré son interdiction, lors duquel, selon les chiffres du gouvernement catalan, le oui à l'indépendance l'a emporté à 90% avec 43% de participation. Le gouvernement espagnol répète à l'envi qu'il est de ce fait "hors-la-loi" et qu'aucun dialogue n'est possible sans "retour à la légalité".
Les menaces de désobéissance s'accumulent Les plus radicaux des indépendantistes catalans ont promis lundi une campagne de désobéissance massive si Madrid prend le contrôle de cette région autonome vendredi, alors qu'aucun rapprochement ne semblait en vue pour éviter l'escalade. La majorité séparatiste du parlement régional catalan a aussi annoncé la tenue d'une séance parlementaire jeudi, à la veille du vote par le Sénat espagnol de la mise sous tutelle de cette région de 7,5 millions d'habitants, grande comme la Belgique. La séance, qui pourra aussi se prolonger jusqu'à vendredi, aura pour but d'analyser "l'agression institutionnelle" dont les indépendantistes accusent le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Dans les faits, le gouvernement prendra les commandes d'une région qui tient énormément à sa culture, sa langue et son autonomie, rétablie après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975. Le président de l'exécutif catalan, Carles Puigdemont, a menacé de faire proclamer l'indépendance de la "République de Catalogne" par le parlement régional si Madrid applique ces mesures draconiennes. L'aile la plus radicale des indépendantistes, la CUP, l'a pressé de le faire sans attendre. Dans un communiqué, ce petit parti d'extrême gauche, allié-clef de la coalition de M. Puigdemont, a appelé les citoyens à une" désobéissance massive" si les mesures prévues par Madrid entrent en vigueur.
Plus de salaire pour Puigdemont Pour reprendre le contrôle de la région, le gouvernement prévoit de limoger l'exécutif indépendantiste, de prendre le commandement de la police, et de placer sous tutelle le parlement et les médias publics. La région a déjà perdu la gestion de ses finances: depuis septembre, les salaires de ses 170.000 fonctionnaires sont versés directement par Madrid comme les factures de ses fournisseurs. Elle perdrait celui de ses ressources propres - impôts sur le patrimoine, les succession et droits d'inscription dans les universités - qui représentent environ un quart de son budget. Le gouvernement a aussi fait savoir qu'il s'attellerait à démanteler l'administration fiscale parallèle que les séparatistes préparaient. C'est notamment la perspective d'une double imposition qui a fait fuir les entreprises par centaines. Elles étaient plus de 1.300 à avoir déplacé leur siège social hors de Catalogne au 20 octobre. A Madrid, la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a reconnu qu'aucun contact n'avait eu lieu avec les séparatistes mais souligné que M. Puigdemont pouvait venir s'exprimer devant le Sénat pour défendre sa position. Une fois que le Sénat aura approuvé les demandes de M. Rajoy, M. Puigdemont n'aura plus aucun pouvoir, a-t-elle prévenu. "Il n'aura plus de signature, il ne pourra plus prendre de décision valable, il ne touchera plus son salaire", et ne pourra plus jouir d'aucun bénéfice assorti à sa fonction, a-t-elle dit.