L'Algérie devrait frapper à la porte du FMI tout de suite pendant qu'elle est encore debout. C'est une idée audacieuse. Elle circule au sein d'un des think-tanks algérien qui travaille sur l'économie et la société. Elle procède d'un postulat implicite. Sans contrat de dette avec une institution multilatérale point de réforme de modernisation de l'économie. Double objectif. Redresser le nez sur le court terme budgétaire pour regarder un horizon de moyen terme préoccupant. Eviter d'arriver en 2021-2022 devant le FMI en situation d'Etat défaillant. Avec l'implication que cela entraîne sur la dureté de l'ajustement. Il existe bien sur un autre chemin vers la modernisation, celui de l'auto-réforme. Pas à l'ordre du jour sous le ticket Bouteflika-Ouyahia reconstitué. Celui qui a gouverné plus de 7 ans des 18 dernières années. Il est urgent d'agir. Autant aller plus vite vers la contrainte extérieure. L'idée suggérée au débat serait d'emprunter une dizaine de milliards de dollars au FMI en soutien à « la restructuration » de la balance des paiements, répartis sur les cinq – sept prochaines années en contre partie d'une feuille de route de réforme de structure qui doperait la performance de l'investissement en condition de marché en Algérie. Techniquement, le risque de l'endettement excessif, serait selon cette proposition, largement soutenable. Les politiques d'accommodement monétaire des banques centrales occidentales resteront encore en place longtemps et le redressement des taux d'intérêt va s'étaler dans une longue durée. Autre argument, la négociation des conditionnalités : elle sera plus aisée et permettrait un lissage des effets de réforme mieux maîtrisé. Exemple la suppression du renflouement des entreprises publiques sans marché, se négocierait selon un agenda socialement plus acceptable. La fonction stratégique d'un tel recours par anticipation au FMI serait de mettre l'économie algérienne sous contrainte extérieure positive. Elle obligerait les prochains gouvernements à agir comme si le pays était déjà en situation d'insolvabilité de sa balance des paiements. Mais « avec la tête haute » car ce ne serait pas vraiment le cas. Les Algériens pourraient alors choisir « leurs engagements » pour ajuster leur économie, plus librement que dans le cas où c'est le FMI qui les dicterait selon la liste standard bien connu, même si elle a été actualisée depuis 1994. Les institutions financières internationales vont elles prêter à un pays qui n'est pas encore en situation de déficit de sa balance des paiements ? Il y a des points de vue contradictoires dans le débat en cours. L'idée est de ne pas attendre de devoir à aller sur le marché financier pour financer le trou qui se prépare dans les échanges de l'Algérie avec le reste du monde. Ahmed Benbitour pense que l'Algérie n'arrivera pas à lever de fonds dans ce cas. Pas d'actifs solvables à mettre sur la table pour rembourser à moyen-long terme, selon lui. Seuls les crédits commerciaux de courts terme resteraient disponibles. Ceux là même qui ont aggravé la situation du pays entre 1986 et 1990. Le recours au FMI dès 2018 permettrait donc de ne pas avoir à jauger sa signature de marché au moment le plus névralgique où les réserves de change viendraient à flirter avec le zéro en 2020. L'idée qui agite ce think-tank va bien sur à contre courant de la doxa officielle, qui lie la souveraineté politique au désendettement. C'est son côté irréaliste. Donc innovant. Elle propose de faire de l'endettement sous contrainte de macro-ajustement modernisant un moteur de la réforme. Sans lequel rien de sérieux ne se passerait. Jusqu'au prochain collapse. Qui donc sous Bouteflika IV pour vendre politiquement le retour anticipé au FMI comme un booster de la diversification ? Le passage du prix du pétrole au dessus des 60 dollars cette semaine a peut de chances de changer la perception du risque algérien du collapse. Pour deux raisons au moins. La première est liée à la nouvelle structuration du marché pétrolier mondial qui fait du pétrole de schiste américain sa nouvelle variable d'ajustement. Rôle historique dévolu à l'OPEP et à ses gros producteurs. La production américaine s'est redressée en 2017 et les exportations additionnelles vont venir gonfler les stocks mondiaux durant les prochains mois. Les 60 dollars atteints cette semaine paraissent pour la plupart des observateurs comme un seuil haut difficile à tenir en l'absence d'un redémarrage brutal de la consommation mondiale d'énergie carbone. A 60 dollars le baril les exportations algériennes resteront dans les frontières des 30-35 milliards de dollars de revenus par an. Donc toujours sur le chemin du choc externe avec un déficit rampant de la balance des paiements. Pourquoi ? C'est ici qu'intervient la 2e raison du maintien de la prospective négative sur le risque algérien. L'accroissement de la consommation domestique de pétrole est astronomique. Elle annule tout effet prix à moyen terme. C'est le ministre algérien de l'énergie qui s'est chargé de le rappeler cette semaine. La consommation domestique de pétrole a doublé entre 2010 et 2017. Les réformes de structure qu'un prêt FMI peut imposer à l'Algérie ? Elles sont à chercher de ce coté là. Et c'est une urgence. L'impôt sur la fortune est une nouvelle appellation d'un impôt sur le patrimoine qui existait depuis le gouvernement de Belaid Abdeslam de 1992-1993. Le projet de loi de finance pour 2018 a sorti les Algériens d'une dangereuse amnésie. La tentative en cours n'est pas la première de taxer les signes extérieurs de richesse. Belaid Abdeslam a introduit dans la loi de finance pour 1993 une réforme par laquelle le patrimoine, notamment foncier, était taxé. Mesure en soutien à l'austérité importante qui frappait les algériens et le trésor public en voie de cessation de paiement. L'exposé des motifs du présent projet de LF 2018 reconnaît que les contribuables n'ont pas joué le jeu, en rechignant à déclarer les biens qui tombaient dans l'assiette de ce nouvel impôt. Conséquence, il n'existe aucun chiffre sur son rendement. Le nouvel impôt rebaptisé « sur la fortune », descend le seuil d'imposition à 50 milliards de centimes, exclu les résidences primaires (habitation) et double son barème d'imposition. Cela pourra faire gagner jusqu'à 260% de revenus supplémentaires au trésor sur certains cas explique le projet de loi de finance. Il faut donc se résoudre à comprendre que l'administration fiscale a échoué pendant 24 ans à recouvrer l'impôt sur le patrimoine. Pourquoi va-t-elle mieux réussir aujourd'hui avec l'impôt sur la fortune ? Parce que la volonté politique est plus forte. Fake ? Impératif de finir sur un sourire, une chronique qui reparle déjà du FMI.