Les étudiants de l'université Abderrahmane Mira de Béjaïa (UAMB) ont fermé pendant toute la journée de lundi dernier les blocs d'enseignement du campus d'Aboudaou après celui de Targa Ouzemour, fermé la veille, dans un mouvement de protestation parti des résidences universitaires de Berchiche, à El Kseur, 20 km à l'ouest de la ville de Béjaïa. La dégradation des conditions de vie dans les cités U est telle que la patience des résidants est entamée. La situation de crise financière qui est en passe d'étouffer le pays n'est pas pour arranger les choses. Les grévistes dénoncent la dégradation des conditions d'hébergement et de restauration dans les cités universitaires, une détérioration qui, disent-ils, «saute aux yeux». Pour eux, on ne trouvant pas de solution à cette situation qui leur est préjudiciable, l'administration des œuvres universitaires observe «une fuite en avant en justifiant cette situation par des restrictions budgétaires engendrées par les mesures antisociales et antipopulaires prises par le gouvernement». C'est ce qu'ils écrivent dans une déclaration rendue publique pour appeler à des assemblées générales dont celles qui ont eu lieu en nocturne à partir de jeudi dernier dans les résidences U de Berchiche. La dernière en date s'est déroulée lundi dernier à l'intérieur du campus d'Aboudaou. La veille, les étudiants se sont donné rendez-vous pour une AG dans l'enceinte même du campus de Targa Ouzemour, devant la bibliothèque centrale qu'ils ont baptisée sous le nom de «soulèvement de la Soummam 19 mai 1981», une date qui rappelle le soulèvement réprimé à Béjaïa et déclenché dans le sillage du Printemps berbère 1980. Cet énième mouvement de grève est déclenché sous l'égide de la Coordination locale des étudiants (CLE), un sigle associé aux nombreux mouvements de protestation estudiantins de ces dernières années à l'UAMB. Le mouvement de grève a été suivi et appliqué avec les mêmes procédés qui consistent à empêcher l'accès aux blocs d'enseignement, le campus d'Aboudaou n'étant pas pourvu de portail. «L'université de Béjaïa, bastion de toutes les luttes démocratiques et sociales, qui a été de tout temps un centre de rayonnement culturel et intellectuel, se retrouve aujourd'hui dans une situation précaire et néfaste», c'est par ce constat-rappel que les initiateurs de la grève ont inauguré leur déclaration largement partagée sur les réseaux sociaux. La CLE se montre très critique à l'égard de l'administration dans une déclaration diatribe : «La situation est plus que dangereuse au niveau des résidences d'El Kseur ; les étudiant(e)s sont victimes des dérives dictatoriales et bureaucratiques d'une administration irresponsable qui tente par tous les moyens de normaliser et de domestiquer notre université, les responsables des œuvres universitaires ont instauré un climat de détresse et de peur, qui est aux antipodes de l'éthique et de la déontologie de l'université qui doit être un lieu de savoir et d'échanges culturels et non pas de voyoucratie et de terreur.» L'occasion a été saisie pour joindre à ces revendications d'ordre social celles qui sont en relation avec la pédagogie et l'application du système LMD. «Concernant la pédagogie, le système LMD continue à démontrer ses limites et son incompatibilité avec les moyens médiocres qui sont mis en place par le pouvoir algérien en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique sans oublier l'incompétence des responsables de l'université», écrit la Coordination réitérant les mêmes constats qui ont toujours motivé les précédents mouvements de grève, dont ceux qui sont allés jusqu'à faire planer le risque d'une année blanche sur l'université, notamment en 2010. Les étudiants considèrent que «ce système a conduit l'université à la faillite qui s'illustre par des taux d'échecs très élevés dus à une qualité de formation catastrophique et un système d'évaluation irrationnel qui répond à des considérations anti-pédagogiques sous un mot d'ordre ‘‘hypocrisie scientifique''». Hier, les accès aux blocs d'enseignement ont été libérés après décision de cesser la grève. Une reprise des cours qui semble être «temporaire», selon le mot d'ordre arrêté, faisant planer le risque d'une reprise de la grève. La décision de fermeture des blocs d'enseignement n'a pas été, cependant, du goût de tous les étudiants. Beaucoup ont manifesté leur profonde désapprobation dans les nombreuses pages Facebook regroupant les étudiants de l'UAMB, appelant à respecter le principe du libre arbitre de l'étudiant et à cesser la culture d'empêchement.