Séisme politique dans la cour royale saoudienne. Véritable révolution du palais. Sous le patronage de son père le roi Selmane, le prince héritier Mohamed Ben Selmane (MBS) âgé seulement de 33 ans trace sa propre voie royale. Depuis sa désignation par le Conseil d'allégeance prince héritier en juin dernier, l'homme fort du royaume engage le pays sur une voie inédite. Elle marque d'abord une rupture dans le système de la succession dynastique. En effet, depuis la fondation du royaume d'Arabie saoudite, c'est la première fois que l'accession au trône devra se transmettre de père en fils et non pas au frère comme c'état la règle depuis la mort du fondateur du royaume Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud en 1953. Ce nouveau mode de désignation est sourdement contesté par la grande famille royale qui compte pas moins de deux mille princes. Redoutant un vent de contestation dans le palais, le roi gravement malade s'empresse de verrouiller le jeu de succession et de donner à son jeune fils l'aura et la légitimité lui permettant de prétendre au trône le moment venu. Il démit de toutes ses fonctions le prince héritier, son neveu Mohamed Ben Nayef (58 ans), et intronise son fils Mohamed prince héritier qui était entre 2015 et juin 2017 vice-prince héritier qui cumule le poste de très influent ministre de la Défense. Coup d'état en douce. A la tête d'une expédition militaire contre le Yémen, le jeune prince enfile la «djelaba» d'un leader national et réduit l'influence grandissante de son rival ministre de l'Intérieur Ben Nayef. Ce dernier est définitivement neutralisé depuis son éviction en juin passé, ouvre un grand boulevard au jeune ministre de la Défense qui coiffe plusieurs leviers de pouvoir politique, économique et sécuritaire. Une emprise quasi-totale sur le pouvoir. Un fait inédit, dans un régime fondé sur le partage des pouvoirs entre différents clans, factions, tribus et membres de la famille royale. Sous la couverture de son père, le prince héritier dont l'ascension fulgurante a dérouté opère une rupture structurelle dans le système. Il se dessine ainsi une mutation du régime vers une la mise en place d'un pouvoir centralisé et personnel. Pour ce faire, Mohamed Ben Selmane doit alors de démontrer et confirmé sa capacité à diriger le pays. Il œuvre de manière méthodique à neutraliser toutes les forces politiques et sociales susceptibles de contester sa marche vers le trône. Il commence par s'attaquer au pouvoir des religieux qui exerce une considérable influence sur le palais. À partir de l'année 2016, il inaugure un cycle de répression contre les principales figures de l'islamisme radical qui s'accentue à l'occasion du conflit avec le Qatar. S'ensuit une vague d'arrestations touchant un nombre importants de prédicateurs connus pour leur penchant extrémistes. En quelques semaines, il a remplacé près de 700 imams. Le jeune prince héritier qui s'inspire du «modèle» des Emirats arabes unis et fortement soutenu par la nouvelle administration américaine fait passer ses réformes au pas de charge. Pas de temps à perdre pour mettre la monarchie sur une voie nouvelle. « Nous n'allons pas passer 30 ans de plus à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant et tout de suite», lance-t-il à l'occasion du lancement d'un projet d'investissement qui ambitionne de transformer l'économie du pays. Pour des spécialistes, MBS «entre en résonance avec la société saoudienne composée de 70% de moins de 35 ans. Son discours et sa vision séduisent une frange importante de la société». La seconde étape dans le processus de conquête du pouvoir consiste à neutraliser toute velléité d'opposition qui peut venir de la famille royale. Sous couvert de lutte contre la corruption, le prince héritier place hors d'état de nuire les figures potentielles en mesure de lui discuter le règne. C'est le sens de la purge opéré depuis deux jours. Des figures de premier plan sont isolées, emprisonnées ou mises sous surveillance. Une purge. Avec des méthodes dures. Le jeune loup (MBS) court le risque d'un retour de manivelle. Une coalition des nouveaux et anciens bannis au sein de la grande famille des Al Saoud qui voit la monarchie changé de visage peut se dresser contre les ambitions de Al Selmane et de son protégé. Cependant ce dernier peut compter sur plusieurs soutiens. D'abord, sur la jeunesse de son pays qui voit en lui le nouveau visage de la monarchie qui colle à la réalité sociale et sociétale. « Les jeunes saoudiens veulent d'un roi à leur image », assure un journaliste saoudien. Le très probable futur roi s'assure d'emblée l'appui des élites libérales qui depuis des années réclament de réduire l'influence de l'institution religieuse et l'ouverture sur le monde. Mais, le soutien important vient surtout des partenaires de Riyad, Washington en premier lieu avec qui le prince héritier entretien d'excellentes relations. C'est le jeune prince qui négocie avec Trump l'astronomique accord commercial de 310 milliards de dollars. Un signe de confiance. En somme, dans sa marche vers le trône, le prince héritier met en mouvement un processus de « ruptures globales » qui serait difficile de contrarier.