Les ateliers Bouffée d'Art accueillent une exposition collective très particulière dont le vernissage a lieu aujourd'hui à partir de 15h. Son intitulé étrange, «Sagadar», phonétique de «saga d'art», explique en partie cette particularité. Dans la présentation du catalogue (excusez-moi de me citer), j'ai écrit : «Il y a assurément quelque chose d'original et même d'amusant dans une exposition réunissant des artistes unis par des liens de famille, mais ne caressant aucune prétention dynastique ou génétique. (…) Donc, de grâce, ne confondez pas une famille d'artistes avec des artistes de la même famille. Chacun d'entre eux est d'abord lui-même comme vous pourrez le constater à travers leurs univers et démarches.» Ainsi que leurs disciplines, puisque certains d'entre eux s'adonnent à la peinture et d'autres à la céramique. Au nombre de cinq, ils sont tous liés au plasticien et enseignant des Beaux-Arts, Karim Sergoua, figure bien connue de la scène artistique, autant pour ses productions que pour ses interventions dans le domaine, en tant que lanceur ou animateur d'initiatives diverses. Aussi, dans cette manifestation où se mêlent les registres d'état civil, on retrouve son épouse, Rachida Merzouk, céramiste ; sa belle-sœur, Samia Merzouk, également céramiste (toutes deux exerçant dans l'atelier Soupçon d'Art), son neveu, Jaoudet Gassouma, peintre et journaliste écrivain, et enfin, sa fille, Belkis Sergoua, qui s'emploie de belle manière à se faire un prénom dans la peinture. Au-delà des objectifs de toute exposition, qui consiste essentiellement à confronter des œuvres à un public, celle-ci, montée en famille, peut nous interpeller sur deux plans. Le premier, sans tenir compte des liens unissant ces créateurs, peut nous amener à considérer, sur la base de leurs dates de naissance, le fait qu'ils couvrent en quelque sorte une période importante de l'art algérien. En effet, le plus âgé, Karim Sergoua, est né en 1960, soit deux ans avant l'indépendance et la moins âgée, Belkis, en 1990. C'est une période qui a vu le passage en Algérie de l'art moderne à l'art contemporain, avec leurs tendances et propositions, dont la problématique du signe portée notamment par le mouvement Aouchem (1967) auquel Sergoua père est resté très attaché sans en être prisonnier. Le deuxième plan, en tenant compte cette fois des liens unissant ces créateurs, consisterait à se demander en quoi cette proximité familiale et affective aurait pu produire des influences réciproques. Un questionnement peu important sans doute dans la mesure où chacun et chacune de ces artistes se distingue par un style reconnaissable. Mais un questionnement quand même puisqu'on nous y invite manifestement ici et que dans l'histoire de l'art, on a pu constater de telles influences de proximité, qu'elles soient familiales (Brueghel l'Ancien et Brueghel le Jeune…) ou non. Mais personne, hormis les spécialistes, n'est obligé de se poser des questions en contemplant des œuvres et le plaisir sensuel de l'œil pourrait suffire au bonheur des visiteurs. C'est ce que propose déjà, en plats et en volumes, cette petite tribu à la fois sauvage et aimable de «sagadariens».
Ateliers Bouffée d'Art. Résidence Sahraoui. Les deux Bassins. Ben Aknoun. Alger.