Le phénomène de la contrefaçon menace désormais tous les secteurs. Même la production des médicaments, épargnée auparavant, est aujourd'hui gravement touchée, mettant ainsi en péril la santé des individus. « Aucun pays n'est à l'abri de cette pratique frauduleuse », a estimé Rachid Denine, professeur à la faculté de médecine d'Alger. Intervenant à l'occasion d'une rencontre sur la contrefaçon en Algérie, organisée hier à Alger, par le groupe Entreprendre, en collaboration avec le ministère du Commerce et la direction générale des douanes, Rachid Denine a tenu à tirer la sonnette d'alarme. L'Algérie, selon lui, n'est pas concernée, pour le moment, par cette fraude, mais il faut prendre toutes les précautions nécessaires avant qu'il ne soit trop tard. Cela d'autant que le marché mondial est grandement ouvert à la faveur de la mondialisation. La contrefaçon des médicaments prend une courbe ascendante. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 6% des médicaments au monde sont contrefaits (10% selon la Food and Drug Administration). Les chiffres sont beaucoup plus importants concernant les pays en voie de développement, en l'occurrence les pays africains, ceux de l'Asie du Sud et l'Amérique latine, devenant des marchés privilégiés pour les médicaments contrefaits. Selon le conférencier, 25 à 50% des produits utilisés dans les pays pauvres proviennent de la contrefaçon. Le phénomène est en train de s'accroître même en Europe, où 900 000 produits ont été saisis en 2004, soit 45% de plus par rapport à 2003. Les types de médicaments ciblés par les fraudeurs sont nombreux. Il va des vaccins aux médicaments vétérinaires et les antihistaminiques en passant par les produits dopants et les anti-VIH. En Angleterre, la contrefaçon a touché même les comprimés de puissance, Viagra. Le danger de l'importation Selon l'Anglais Nicola Wilson, 44% de ce produit achetés par Internet au Royaume-Uni en 2004 sont des contrefaçons. Pour Rachid Denine, la cherté des médicaments, la faiblesse de l'approvisionnement, les pénuries des produits et l'absence d'une réglementation stricte sont des facteurs favorisant la prolifération du phénomène. Mais ils ne sont pas les seuls. A ces facteurs, il faut, selon lui, ajouter l'absence de respect du droit des marques et des accords internationaux, la faiblesse des sanctions pénales et la corruption, le développement de zones franches avec possibilité de réexportation et de la vente des médicaments sur Internet. En sus des médicaments, la contrefaçon frappe de plein fouet l'industrie automobile. Les pièces de rechange imitées constituent un marché juteux pour les fraudeurs. Si au niveau mondial 18% de pièces de rechange commercialisées sont contrefaites, en Algérie ce chiffre est largement dépassé. Selon Abdeldjaoued Saâd, président de l'association des concessionnaires, plus de 50% des pièces disponibles sur le marché sont des fausses. « Le phénomène de la contrefaçon dans le domaine automobile est plus effarant. On n'arrive pas à discerner le vrai du faux », a-t-il déclaré, en appelant les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires pour la lutte contre ce danger. Le mal provient en général de l'importation. Selon les services des douanes algériennes, la Chine est en pole position des pays exportateurs de la contrefaçon. 52,94% des articles saisis par la douane en 2005, notamment les pièces de rechange pour automobile, produits électroménagers et produits cosmétiques, ont été importés de Chine. En 2006, les mêmes services ont retenu également 56,66% de produits contrefaits venant cette fois-ci des Emirats arabes unis et 35,29 provenant de Chine. Tout cela en l'absence de mécanismes de contrôle en mesure de freiner l'étendue du phénomène. A ce sujet, Hassina Lebkiri, directrice du contrôle de la qualité et la répression des fraudes au ministère du Commerce, parle de manque de moyens et de mécanismes juridiques qui permettront aux contrôleurs de son département d'agir. « Jusqu'en juin 2006, les produits industriels n'étaient pas soumis à un contrôle par nos services. On n'agit pas, car on n'a pas assez de moyens », a-t-elle expliqué. La solution à ce problème, a-t-elle indiqué, est le contrôle des produits aux frontières. Conscient de la gravité du problème, le ministère, selon elle, a pris un certain nombre de mesures, en particulier la modernisation du système du contrôle de la qualité. Dans ce sens, l'oratrice a annoncé le recrutement et la formation de 1500 agents durant les trois années à venir (500 agents par an). Un laboratoire spécial pour le contrôle sera, a-t-elle annoncé, mis en place, dans deux ans, pour passer à la loupe les marchandises importées. Pour plus de rigueur, toutes les activités seront, a-t-elle ajouté, soumises à un cahier des charges draconien. Revenant sur la question de la loi sur la concurrence votée et qui n'est pas encore mise en œuvre, Mme Lebkiri a justifié le fait par l'inexistence de mécanismes de contrôle. « Il faut que l'Etat s'implique davantage », a-t-elle conclu.