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La contrefaçon inonde l'Algérie
LE PHENOMÈNE PREND DE L'AMPLEUR
Publié dans L'Expression le 17 - 08 - 2006

Les pièces détachées représentent 42% des produits contrefaits contre 19% pour les cosmétiques.
Avec ses nombreuses frontières terrestres difficiles à surveiller et une façade maritime de 1200 kilomètres, l'Algérie est une cible idéale pour les réseaux mafieux internationaux. Depuis la libéralisation du commerce extérieur, à la fin des années 80, les choses ont pris une tout autre tournure.
La contrefaçon, auparavant anecdotique, s'est développée crescendo et atteint des proportions alarmantes. Aucun segment de la production industrielle n'est épargné. Des cosmétiques aux pièces de rechange, du prêt-à-porter à l'électroménager, en passant par les logiciels informatiques et les livres, cassettes, CD, DVD..., le marché est inondé d'imitations à la qualité douteuse.
On ne peut même plus faire passer un faux pour un vrai, tant ce marché est érigé en véritable concurrent du marché légal, avec codes, circuits, dépôts, grossistes et étals de vente au détail.
Baptisé «Taïwan» en raison d'un trafic très important en provenance de ce pays, le produit contrefait ne cesse d'inonder le marché national. Les grandes distances ne constituent plus d'obstacles. Mais le consommateur est, en quelque sorte, averti puisqu'il a le choix entre des produits «marqua» (originaux) ou Taïwan. Intégré dans le langage populaire, ce vocable est aujourd'hui synonyme de mauvaise qualité.
Au-delà du préjudice commercial, c'est la santé et même la vie de millions de personnes qui sont mises en péril lorsqu'il s'agit de pièces détachées pour automobiles, de denrées alimentaires, de matériel médical ou de médicaments. Le ministre du Commerce a néanmoins rassuré dernièrement qu'aucun produit pharmaceutique ne fait l'objet de contrefaçon sur le marché du médicament.
40% des produits importés sont contrefaits
Même constat pour certaines substances chimiques dont les résidus ultra-polluants menacent l'environnement à travers la contamination des sols, de l'eau et de l'air, avec des risques sanitaires évidents.
Les enfants n'échappent pas non plus à cette logique assassine. Des jouets et autres articles scolaires ne répondant à aucune norme de sécurité leur sont proposés par des revendeurs dont la seule religion est l'appât du gain. L'absence de statistiques ne permet pas de recenser le nombre d'accidents qui en découlent. Déjà répertorié comme nocif pour la santé, le tabac n'échappe pas au circuit de la contrefaçon avec une composition encore plus dommageable pour la santé. Il n'y a qu'à déambuler dans les rues commerçantes des grandes villes algériennes pour se rendre compte de l'ampleur du trafic de cigarettes.
Cela va des marques dites «prestigieuses» à celles qui sont tout simplement inconnues sur le marché officiel. Elles proviennent généralement de Russie, de Lettonie, mais surtout de Chine. Ce pays inonde le marché mondial avec 190 milliards de cigarettes par an, selon l'Organisation mondiale des douanes.
Pas moins de 300.000 articles contrefaits ont été saisis en Algérie en l'espace de 5 mois, selon les services des douanes. Durant l'année 2004, ce sont pas moins de 800.000 articles qui ont été saisis par la douane, principalement des pièces détachées, (représentant 42%) des produits contrefaits, des produits cosmétiques (19%) et des produits alimentaires, fabriqués frauduleusement en Chine, qui détient la «palme» de la contrefaçon à l'échelle planétaire.
En outre, 1.300.000 produits contrefaits entrent chaque année dans notre pays. Il s'avère ainsi que 40% des produits importés en Algérie sont contrefaits. Les spécialistes expliquent, qu'en plus de porter atteinte à l'économie nationale et à la santé du citoyen, cela va retarder l'accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Selon une enquête effectuée par le bureau d'études IDC, l'Algérie a été classée, en 2004, au 9e rang mondial avec un taux de piratage, dans le domaine des programmes d'ordinateurs (logiciels), estimé à 83% de l'ensemble des produits mis sur le marché. Ce taux était de 84% en 2003, ce qui avait valu à l'Algérie, précise la même enquête, la 7e place mondiale. Une évaluation sommaire de l'impact économique de la contrefaçon montre que le manque à gagner annuel sur les recettes de l'Etat est de 38,5 millions de dinars en taxes sur l'activité professionnelle (TAP) et de 333,8 millions de dinars en taxes sur la valeur ajoutée (TVA).
La contrefaçon a connu pourtant un essor considérable en Algérie, autant sur le marché parallèle que formel. Mais des opérateurs étrangers et nationaux réclament le droit à la propriété intellectuelle et à la préservation de leurs produits, marques et griffes de la contrefaçon. Toutefois, cette situation pousse les pouvoirs publics à agir dans le cadre de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC.
Pour l'Algérie, le transit s'effectue par Dubaï ou Bahreïn, mais parfois via des ports européens. De plus en plus de marchandises sont livrées en kits, c'est-à-dire sous forme d'éléments à part: flacons vides, semelles, étiquettes, tissus, conditionnements... Grâce à cette technique, un produit contrefait peut être partiellement fabriqué dans un pays, puis assemblé dans un autre, transiter par un troisième, avant d'être commercialisé dans un quatrième.
Dubaï est souvent invoqué comme le premier port mondial de la contrefaçon. Ce n'est que partiellement vrai, car il existe d'autres escales réputées pour être les plaques tournantes de ce trafic: Marseille, Roissy ou encore Hong Kong..
La lutte s'avère difficile
Cependant, les pays pauvres ou émergents sont plus exposés à cause de leur fragilité. Les répercussions sur leur développement économique et social sont dramatiques: perte d'emplois, fuite fiscale, désintégration du tissu industriel et commercial...Les effets sont plus ou moins graves selon que les pays touchés possèdent ou pas des instruments efficaces de contrôle et de répression des fraudes pour se protéger. Les dernières statistiques des services douaniers révèlent que le nombre d'articles contrefaits retenus sous douane est de plus de 850.000 en provenance de Chine, 150.000 des Emirats arabes et 130.000 de France.
Les efforts des services de lutte contre ce phénomène, à savoir, le ministère du Commerce, la douane algérienne disposent, depuis le 15 juillet 2002, d'un cadre juridique et réglementaire pour lutter contre ce phénomène fulgurant de la contrefaçon touchant quasiment tous les produits de large consommation. Actuellement, selon les mêmes services, il y a 50 affaires relatives à la contrefaçon qui sont au niveau de la justice.
Conscients des dangers multiples qu'entraîne la contrefaçon, les pouvoirs publics tentent d'élaborer des stratégies de lutte. Dans la perspective de l'adhésion algérienne à l'OMC, le dispositif législatif de lutte contre la contrefaçon a été renforcé par la promulgation de nouvelles lois et ordonnances depuis l'année 2003.
Des actions ont été initiées dans le même sens par le ministère du Commerce. Les importateurs sont tenus de remplir en langue arabe la feuille de déclaration de leurs produits, conformément à un nouveau décret entré en vigueur à partir du mois de juin de l'année en cours. Le nouveau décret oblige les importateurs à mentionner dans leurs feuilles de déclaration les données relatives à l'origine du produit (nom et adresse de l'entreprise de production, les composants, dates de péremption etc..) en langue arabe.
Tout produit ne mentionnant pas ces données sera considéré comme «le fruit d'une contrefaçon». L'objectif de ce décret est de soutenir les efforts de l'Etat dans sa lutte contre ce phénomène.
Outre un raffermissement du cadre législatif, il s'agit de mettre en place un centre national de formation et de perfectionnement pour les agents chargés de la répression des fraudes. Il faut aussi veiller à la création de laboratoires d'essai et de contrôle des produits industriels. Le recrutement de plusieurs centaines d'universitaires, spécialisés dans divers domaines d'expertise, étant prévu.
Concrètement, une première promotion de cadres douaniers supervise les contrôles aux frontières depuis plus d'un an.
Cependant, le ministère du Commerce ne peut agir que sur la base des plaintes déposées par les opérateurs. Selon la directrice de contrôle par intérim au ministère du Commerce, 34 requêtes ont été enregistrées en 2005 et 15 en 2006.
De son côté, la Direction générale de la sûreté nationale (Dgsn) a mis sur pied une brigade centrale chargée de lutter contre la contrefaçon, mais aussi contre la falsification de documents officiels en rapport avec les secteurs industriels.
Néanmoins, cette lutte, qui se joue de la géographie, ne peut donner de résultats qu'en concertation avec les pays voisins.


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