La famille du jeune Mozabite Mohamed Baba Nedjar, en prison depuis 12 ans, exige la réouverture de son dossier et l'organisation d'un procès juste et équitable. Accusé du meurtre du jeune Bazine Brahim et condamné à perpétuité en 2005, cet ancien militant du FFS observe une grève de la faim depuis plus de deux mois pour clamer son innocence. «Il est actuellement à l'hôpital. Son état de santé se dégrade. Il ne réclame pas une faveur, mais juste son droit à un procès équitable», déclarent son père Bachir, l'avocat Salah Dabouz et l'activiste politique, Kamel Eddine Fekhar. Intervenant lors d'une conférence de presse animée hier à Alger, ces derniers reviennent sur les détails de cette affaire «renseignant sur le fonctionnement du système judiciaire algérien». «Lors de son arrestation, Mohamed Baba Nedjar avait affirmé que la police lui a demandé d'accuser Kamel Eddine Fekhar ou un militant du FFS de Ghardaïa à l'époque. Comme il n'a pas accepté, il a payé les frais. Son dossier est vide. La police n'a comme preuve qu'un communiqué portant le sigle FFS», dénonce Kamel Eddine Fekhar. Le témoin à charge, ajoute pour sa part Salah Dabouz, «est le même que celui d'une affaire similaire». «Son témoignage s'est avéré faux et les personnes condamnées suite à son témoignage ont été relaxées. C'est une lueur d'espoir pour Mohamed Baba Nedjar. Nous demandons au ministre de la Justice de rouvrir le dossier. C'est la seule voie possible pour rétablir ce jeune dans ses droits», précise-t-il. Outre le cas de Mohamed Baba Nedjar, Kamel Eddine Fekhar et son ami Kacem Soufghalem, tous les deux emprisonnés suite aux événements de Ghardaïa, reviennent sur les conditions de leur détention et dans les prisons, le traitement de la situation dans cette localité et celle des droits de l'homme.
«Mozabite et tu veux comprendre ?» Rappelant les conditions de leur interpellation en compagnie de leurs amis dans une mosquée à Ghardaïa, les deux activistes affirment avoir été tabassés par la police avant d'être présentés devant le juge d'instruction et placés en détention. «Un des policiers à qui j'ai demandé pourquoi il m'a arrêté a eu une réplique étrange. Il m'a dit : ‘tu es mozabite et tu veux comprendre?'. Comme si je n'étais pas un citoyen algérien», déclare Kamel Eddine Fekhar. «En prison, nous n'avons pas été maltraités. Mais nous étions séparés, interdits de sortir de nos cellules et de communiquer avec les autres détenus. Nous ne pouvions même pas nous croiser en prison moi et Fekhar», affirme Kacem Soufghalem. Celui-ci dénonce les conditions de détention dans les prisons algériennes, où les détenus «sont entassés dans des salles étroites». «A la prison de Ghardaïa, il y avait environ 45 personnes dans une salle de 25 m2. Il y a des prisons où des cellules accueillaient jusqu'à 200 personnes. Pis encore, les geôliers n'hésitaient pas à passer à tabac des prisonniers, alors qu'ils n'ont aucun droit de le faire. Il y a même des viols dans les prisons», condamne-t-il. Jusqu'à aujourd'hui, Kamel Eddine Fekhar se pose encore la question de savoir : «Que s'est-il passé à Ghardaïa ?» «Pourquoi tout s'est estompé après la saisine des instances onusiennes ?» Abordant la liberté de culte, Kamel Eddine Fekhar dénonce aussi l'attitude des autorités face au rite ibadite. «Il faut aller vers un Etat laïque. C'est la seule solution pour en finir avec les atteintes à la liberté de culte et la liberté de conscience», lance-t-il. A l'issue de la conférence et en s'apprêtant à quitter Alger, Kamel Eddine Fekhar et son ami Kacem Soufghalem ont été interpellés par la police et conduits au commissariat de Sidi M'hamed. «Nous sommes retenus pendant une heure et demie. La police nous a parlé d'un contrôle de routine», écrit Fekhar sur sa page Facebook, quelques minutes après sa libération.