En matière d'accompagnement des start-up, le programme d'action du gouvernement en parle vaguement. Dans le document, l'accent est plutôt mis sur la recherche. L'engagement est en effet du côté des pouvoirs publics pour réunir les conditions nécessaires pour le développement et la valorisation de la recherche à travers la mise en place de laboratoires de recherche-développement en entreprise et de départements «recherche et développement» au sein des grandes entreprises économiques. Il s'agit aussi de conclure des contrats de recherche entre les universités et les centres publics de recherche, d'une part, et d'autre part, les entreprises économiques. Une démarche qui sera consolidée, toujours selon le plan, à travers la création de start-up par les chercheurs et par les étudiants diplômés. Comment ? Pour cette question, pas de réponses dans ledit document. Certes, dans la nouvelle loi sur la PME, «un fonds d'amorçage» qui permettra l'accompagnement et le financement des projets des start-up lors du démarrage, est prévu pour aider financièrement les jeunes promoteurs dans la conception et la mise sur le marché de leur premier produit. Mais, pour l'heure, les start-up continuent à être livrées à elles-mêmes après la phase de lancement. Et pourtant, ce ne sont pas les idées qui manquent. Des idées qui prennent du temps pour être concrétisées, sinon abandonnées, en cours de route face aux obstacles rencontrés sur le terrain. Et pour cause, les préoccupations des jeunes porteurs de projets innovants sont nombreuses en l'absence d'un écosystème favorable. «L'environnement des start-up en Algérie est grippé», nous dira à ce sujet le cofondateur d'une start-up spécialisée dans l'information économique. Un constat relevé par bon nombre de jeunes entrepreneurs rencontrés à l'occasion du 15e Salon Meddit El Djazaïr, tenu, les 15 et 17 novembre, au palais de la culture Moufdi Zakaria. «Si à l'intérieur de l'incubateur tout va bien, nous sommes bien accompagnés, à l'extérieur, nous faisons face à d'innombrables difficultés», nous confiera Nassima Berrayah, une chimiste de formation convertie dans la technologie de l'information et de la communication (TIC) en créant en 2013 la start-up eBlink, spécialisée dans les e-Business, e-Services et e-Consulting. Un cadre législatif en stagnation «C'est bien d'avoir des incubateurs accélérateurs, mais ce n'est pas suffisant. L'administration et le cadre législatif nous bloquent. Ces facteurs ne jouent pas en faveur du développement des start-up. On est dans l'innovation où ça évolue rapidement, alors que la législation stagne», regrettera-t-elle, rappelant, entre autres, le retard pris dans le lancement des 3 G et 4 G et l'attente qui s'éternise pour voir l'arrivée du e-paiement, par exemple. «Pour régler nos affaires administratives, nous sommes obligés de nous déplacer entre Alger, Zéralda, Khraïssia, pourquoi on ne nous facilite pas la tâche en nous rapprochant de l'administration», s'interroge Nassima, qui vient de lancer un programme d'accompagnement dédié spécialement aux femmes entrepreneurs, intitulé eBlinkPink. «Comme si on nous poussait à aller développer nos idées ailleurs», tentera-t-elle de dire face à la persistance des blocages que notre jeune manager essaye de contourner via des solutions de «bricolage», même si ce n'est pas toujours évident. Le témoignage d'Amine Abaoud, cofondateur d'Overgen, une start-up versée dans les services informatiques, va dans le même sens. «Il y a encore des freins, des insuffisances et des lois en attente. Beaucoup de points traînent sans être réglés. Par exemple, faute de e-paiement, on ne peut pas exporter nos applications», résume Amine, ajoutant : «Malgré tout, on s'y adapte et on reste optimistes. Car on sait que ça peut changer à tout moment.» Ce jeune ingénieur, diplômé de l'université des sciences et technologies de Bab Ezzouar (USTHB), dont l'entreprise a été lancée dans le cadre du dispositif Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes) via une formule mixte (sans passer par les banques), s'affiche toutefois optimiste quant à l'avenir des start-up en Algérie. Pour lui, dans les années à venir, d'autres start-up innovantes arriveront avec les changements annoncés dans le e-commerce. Un optimisme que ne manque pas de s'afficher également du côté de Abdelkrim Khaldi, cofondateur de Wini, un réseau social pour les automobilistes via lequel une application Winrac (Où es-tu ?) pour smartphone disponible en dix langues leur est proposée avec pour but l'amélioration de la mobilité. Ce projet, lancé après l'obtention du prix Fikra de Djezzy en 2015, a évolué depuis. Mais le problème financier constitue une entrave pour Wini, dont le lancement a été fait sur la base du montant du prix reçu par Djezzy, c'est-à-dire 2 millions de dinars. Mais depuis, les besoins de financement ont augmenté pour cette start-up qui ne cesse d'innover, notamment pour communiquer sur ses nouveaux produits. Optimiste «Certes, nous sommes bien coachés au niveau de l'incubateur, dans le marketing notamment. Cependant, le plus gros problème c'est le financement. Lorsqu'on a un produit, ça peut être le meilleur du monde, il faut un budget communication conséquent pour le promouvoir. Ce qui n'est pas facile. Pour cela, nous optons pour les partenariats. C'est le cas avec Djezzy, qui continue à nous suivre et nous appuyer. On est aussi partenaires du Centre national de prévention et de la sécurité routière», témoignera Abdelkrim qui, au même titre que ses «colocataires» de l'incubateur du parc de Sidi Abdallah, évoque un écosystème contraignant «même s'il y a de plus en plus de facilitations», reconnaîtra-t-il. Ce sont là quelques témoignages de jeunes entrepreneurs porteurs d'idées novatrices et qui ne cherchent qu'à réaliser leurs projets sans grandes contraintes, au moment où le cap est mis sur le développement de l'économie numérique en cette période de crise. Des témoignages qui renseignent globalement sur l'ampleur du travail qui reste à faire pour assurer l'émergence d'un écosystème entrepreneurial pour permettre aux start-up de jouer pleinement leur rôle dans l'économie. Mais pour cela, faudrait-il d'abord interconnecter les différentes parties prenantes de l'environnement économique. Sinon au lieu d'assurer l'essor des start-up, on ne fera qu'accélérer leur mort comme c'est le cas pour les TPE et les PME, (très petites, petites et moyennes entreprises).