Le troisième roman de Jaoudet Gassouma, Cubaniya, publié aux éditions Chiheb International, est une fiction, avec des outils de la réalité. A la fois journaliste, écrivain, plasticien et réalisateur, Jaoudet Gassouma a présenté, son roman Cubaniya, samedi après-midi, à la salle de conférences du Bastion 23, à Alger. Avec la verve littéraire et poétique qu'on lui connaît et reconnaît, Jaoudet Gassouma avoue que parvenir au fruit final de ce troisième roman a été une aventure un peu particulière, dans la mesure où il s'est essayé à l'écriture en utilisant le pronom personnel «je». Façon singulière de donner l'impression au lecteur qu'il est lui. L'auteur explique que le titre du roman s'est imposé de lui-même et que la phonétique du titre choisi, Cubaniya, est utilisée dans le parler algérien. «On a l'habitude, dit-il, d'utiliser ce terme d'une manière triviale en disant en arabe dialectal, ‘‘ils sont venus les Cubaniya''. Il s'agit d'une compagnie de gens qui vient comme cela. Le terme n'est jamais péjoratif, mais est plutôt joyeux et festif. Mais en même temps, c'est révélateur. J'ai rajouté un ‘‘y'' pour qu'on puisse avoir une référence algérienne. Mais l'origine du mot cubanya, c'est ce système D, qui fait qu'on fait des astuces pour essayer de se débrouiller. A Cuba, il y a un embargo. C'est une transition très difficile. C'est ce système de débrouille qu'on appelle ‘‘la Cubaniya''. En même temps, c'est aussi, l'esprit cubain». Pour rappel, le roman Cubaniya a été réalisé dans le cadre d'un voyage offert par un mécène, à Cuba, entre La Havane et Trinidad,. Durant une dizaine de jours, des plasticiens, des photographes, des vidéastes, des musiciens et des auteurs ont rempli leur esprit d'images, de sons et de sensations pour les décliner, par la suite, dans leurs projets littéraires et artistiques. Ainsi, le fil conducteur du roman, ce sont toutes ces correspondances autour du tropique du Cancer. Un tropique qui passe du sud de l'Algérie vers le nord de Cuba. Jaoudet Gassouma précise qu'il n'est pas parti faire du tourisme à Cuba, mais plutôt une immersion dans le centre de la vieille Havane. Le vécu a été poignant, puissant et sensationnel à la fois. Après cette immersion, l'auteur a dû, par la suite, se documenter pour affiner l'esthétique de certaines informations. C'est dire que son roman est une œuvre de fiction. C'est un assemblage d'éléments du réel, qui sont mis au service de la fiction. Cubaniya se décline sous la forme de deux histoires d'amour entre un protagoniste et deux femmes : Doudja, d'Alger, et Yusa, de Cuba. Ces deux femmes ne sont autres que des incarnations sur les questions que se pose le narrateur sur certaines révolutions. En effet, il s'interroge sur ce que sont devenues ces révolutions, mais en même temps les interrogations ne sont pas frontales, mais allégoriques. Dans cette histoire, un troisième personnage féminin se greffe dans le récit. Il s'agit de Syria l'incomprise, qui a des moments de doute et de désarroi. Elle est présente et oubliée à la fois mais on devine en filigrane la Syrie, qui est mise à l'honneur. «J'ai essayé de poser toutes mes questions sur les révolutions et sur ces révoltes dans un monde allégorique. Moi ce que j'ai fait à travers ce roman, qui est modeste en soi, mais qui est porteur d'une charge émotionnelle assez intéressante. Dans le sens où c'est une proposition esthétique. J'essaye d'être dans la poésie, dans la littérature, tout en questionnant le monde. Ce roman a été écrit comme un récit de voyage, mais qui porte une charge émotionnelle, car on découvre autant Alger que Cuba», ajoute-t-il. Le roman est aussi construit sur des antagonismes. Preuve en est : le lecteur retrouve l'expression El Bahdja pour signaler que la ville est âgée et il y a El Mahroussa comme une sorte de petite fille qu'on protégerait. La vieille Havane et la jeune Havane sont également citées. Il y a un passage entre les deux âges. La ville a toujours été un protagoniste important dans les ouvrages de Jaoudet Gassouma. Il continue à croire que les villes sont des entités vivantes avec lesquelles on interagit comme on interagirait avec d'autres personnages. A la question de savoir si l'auteur Jaoudet Gassouma veut éveiller les consciences à travers la publication de son dernier-né, il indique qu'il veut juste raconter des histoires avec des codes et une grammaire. «Cette grammaire, si elle touche les sens et l'émotion, elle suscite aussin de la réflexion autour du récit. Je pense que c'est le plus important» conclut-il.