L'administration tarde à trancher les nombreux recours introduits par quasiment toutes les formations politiques engagées dans les dernières élections locales, y compris, à la grande surprise générale, les deux principaux partis du pouvoir, le Fln et le RND. Les dénonciations de fraude émanant de ces deux formations ont dérouté par la solennité et la gravité du ton adopté par les leaders des deux partis. Pour beaucoup, la montée au créneau de ces deux partis, qui n'ont jamais fait mystère de leur proximité avec le pouvoir – le Fln se confond carrément à l'Etat –, n'a d'autre objectif que d'anticiper les réactions et les accusations de fraude de la part de la classe politique et particulièrement de l'opposition. Attaquer en jouant la carte de la victimisation pour mieux se défendre. Le Premier ministre, un brin provocateur, n'a pas hésité à corriger personnellement et publiquement son ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui, revendiquant quelques sièges supplémentaires pour son parti, alors qu'il aurait pu faire l'économie d'une telle diatribe, qui a mis à mal la cohésion gouvernementale. En dénonçant froidement, presque dans les mêmes termes que l'opposition, la fraude électorale dont son parti aurait fait les frais, selon ses dires, le Premier ministre fait, consciemment ou non, dans l'autoflagellation. Car en reconnaissant l'existence de ces irrégularités, se pose indirectement la problématique de la responsabilité politique du gouvernement et au premier chef de la sienne en tant que Premier ministre. Ouyahia a-t-il mesuré la gravité de ses propos sur la crédibilité de l'Etat et des institutions du pays ? Le bon sens politique et le respect de la volonté populaire et des institutions auraient voulu que les responsabilités politiques, à tous les niveaux, soient situées et les sanctions les plus sévères prises à l'encontre des auteurs et des commanditaires de la fraude. Qu'il s'agisse d'actes individuels ou de manœuvres organisées, politiquement et organiquement signées, engageant grands et petits commis de l'Etat ayant agi pour leur propre compte en louant leurs services ou sur injonction express de la hiérarchie. Ce climat de cacophonie détestable, qui renvoie une image du pouvoir de l'âge glaciaire, n'aurait jamais existé, si on avait séparé le champ d'intervention de l'Exécutif des terrains de luttes politiques et idéologiques investis par les formations politiques. L'interférence de la sphère gouvernementale dans le combat et l'engagement militants et inversement ne peuvent générer que de la confusion et du désordre dans le système de gouvernance. Il y a toujours une suspicion légitime lorsqu'à la tête d'institutions, à des postes de responsabilité et de structures encadrant et structurant le processus électoral et dont dépend la régularité du vote sont nommées des personnalités politiquement marquées et organiquement encartées. On ne peut pas être en même temps juge et partie. Dans les moments de vérité, chacun roule et défend sa propre chapelle, comme on l'a vu avec les échanges d'amabilités entre le Rnd et le Fln. Le temps du scrutin, ces deux formations n'ont pas hésité un seul instant pour mettre au placard leur appartenance commune à la majorité présidentielle pour défendre leur pré carré partisan.