Les difficultés rencontrées par le gouvernement de Youssef Chahed pour préparer le budget 2018 poussent les analystes politiques à s'interroger sur les capacités du gouvernement Chahed à amortir la tension sociale sévissant en Tunisie à cause de la crise socioéconomique. Sept ans après la chute de Ben Ali, la machine économique n'arrive pas à redémarrer. La situation est loin d'être qualifiée de redressement, selon les termes du gouvernement en place. Youssef Chahed parle de prémices encourageantes en 2017 avec un taux de croissance de 02%. Pourtant, Nidaa Tounes et Ennahdha, les partis au pouvoir, promettaient lors de leurs campagnes électorales, un redressement économique avec des taux de croissance allant de 5 à 8%. Les ratios de l'économie tunisienne sont très alarmants. Le commerce extérieur va plus mal que jamais. Les exportations ne représentent plus que 62,7% des importations, contre 75,1% en 2011. Le déficit du commerce extérieur pour 2017 s'élèvera à 15 milliards de dinars (plus de 5 milliards d'euros), soit 14% du PIB, estimé à 105 milliards de dinars (35 milliards d'euros). L'inflation progresse au fil des mois et s'établira à 6% en taux annuel officiel. Mais c'est plus de 12% en taux réel, selon l'économiste Sami Aouadi. Les Tunisiens voient ainsi leur pouvoir d'achat fondre comme neige au soleil. Les jeunes et les démunis se préparent pour une nouvelle révolte. Chiffres alarmants Le dinar tunisien se déprécie, semaine après semaine. Il a déjà perdu, en 2017, près de 20% de sa valeur par rapport à l'euro et plus de 12% par rapport au dollar et au yuan chinois. La dette extérieure devient de plus en plus lourde à porter et son service absorbera, à lui seul, en 2017, plus de 6% du PIB et plus de 20% des exportations de marchandises (contre 11% en 2015). Laquelle dette a été lourdement affectée par la chute du dinar tunisien par rapport à l'euro et au dollar. La Tunisie ne peut plus emprunter à des conditions supportables, vu la dépréciation par les agences internationales de notation. Les réserves de change représentent désormais moins de trois mois d'importations, tandis que les investissements nationaux et étrangers brillent par leur absence et que la productivité régresse. Le revenu annuel global du pays bloque autour de 41 milliards de dollars et celui du Tunisien est en moyenne de 9325 TND (3730 dollars). Il ressort des débats budgétaires en cours en ce moment que les principaux partis politiques au pouvoir, à savoir Nidaa Tounes et Ennahdha, s'opposent aux réformes audacieuses, pour préserver la sympathie de leur électorat. Comme c'est toujours le cas lorsqu'il s'agit de réforme de la fiscalité ou de lutte contre l'économie parallèle. «Nous ne saurions cautionner des réformes excessives», n'a cessé de répéter Soufiane Toubal, président du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, en se justifiant par le prétexte d'éviter la tension sociale. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a certes affirmé qu'il ne corrigerait que partiellement sa copie de loi de finances 2018. Mais, il n'aura sûrement pas le choix, si les deux cheikhs de Carthage et de Mont-plaisir, le président Béji Caid Essebsi et Rached Ghannouchi, s'entendent sur une formule aménagée. Une telle attitude ne ferait que reporter, encore une fois, la crise. «Si une chose est certaine, c'est que la Tunisie vivra prochainement un nouveau sursaut des démunis, qui n'ont pas vu se réaliser leurs rêves suite à la chute de Ben Ali», prédit le politologue Cyril Grislain Karray. Youssef Chahed ne peut que subir les lois des partis politiques.