Plus de 850 000 tonnes d'ammoniac, dont 800 000 tonnes à l'export, devraient être produites à fin 2017, un record jamais atteint dans l'histoire de l'entreprise. Rien qu'en octobre, le seuil des 90 000 tonnes a été franchi, se réjouit David Herrero Fuentes, directeur industriel de la co-entreprise algéro-espagnole Fertial. Mieux, le chiffre d'affaires pourrait dépasser les 35 milliards de dinars. Toutes ces belles performances inédites, la Société des fertilisants d'Algérie les doit, elle, à la «main verte» de Mokhtar Bounour ou au «génie» de Ali Haddad. Explications. Avant leur installation, le premier en tant que DG (été 2016), le second en tant que nouvel actionnaire (en automne 2016) avec le rachat de 17% de parts du capital, l'entreprise avait enregistré les pires «récoltes» depuis au moins une dizaine d'années. «L'entreprise a obtenu des résultats pires que prévu mais meilleurs que ceux obtenus en 2015. Le chiffre d'affaires global s'est élevé à 220 millions d'euros, soit 62% par rapport aux prévisions, et une baisse de 16% par rapport à l'année précédente, tandis que le montant des ventes à l'exportation a chuté de 29%, alors que son nombre a évolué de 10%. Le résultat net a été négatif de 8,08 millions d'euros. La structure du bilan s'est caractérisée par une diminution des capitaux propres et par une augmentation de la dette commerciale», s'inquiétait dans son rapport annuel de l'exercice 2016, Grupo Villar Mir (GVM), qui contrôle sa filiale algérienne à hauteur de 49%. Et en moins d'une année, l'entreprise, dont la santé n'était donc pas vraiment au beau fixe, a promptement recouvré la pleine forme et n'a plus besoin de beaucoup d'énergie pour faire tourner ses machines à plein régime ; la consommation de gaz réduite de 15 à 20%. Autre exploit à l'actif du staff dirigeant et les 1035 travailleurs : au niveau national, la production de plus de 200 000 tonnes d'engrais, jusqu'à l'heure réalisée, a hissé les parts de marché de Fertial à hauteur de 60 à 65 % contre 39% en 2016 et 33% en 2015. La «Baraka» de Bouchouareb et Haddad Qui des deux nouveaux arrivants à Fertial a donc apporté dans ses bagages la solution magique ayant permis de «briser le signe indien» et faire oublier les mauvais crus 2015 et 2016 ? Deux exercices au cours desquels, le géant des fertilisants a, en effet, eu à subir de plein fouet les conséquences de la folie qui s'était emparée du marché international. «La baisse des cours de l'ammoniac avait sensiblement agi sur nos revenus à l'export. Pendant des années 2007, 2008, 2009, les prix avaient atteint des niveaux record. Ce qui s'était traduit par la construction de plusieurs nouvelles usines. Aujourd'hui que ces prix ont chuté de près de moitié, nombre d'usines ont dû fermer, surtout en Europe. La situation a engendré un surstock impressionnant. D'où le déséquilibre manifeste entre l'offre et la demande et le dévissement des cours sur le marché international ; 499 dollars en 2014, 390 en 2015 et 240 en 2016», a indiqué à El Watan-Economie, lors d'une rencontre au siège de l'entreprise, M. Bounour. Aussi, les deux grandes usines, Annaba et Arzew, avec ses deux unités, totalisant une capacité de production de près d'un million de tonnes d'ammoniac/an, s'étaient heurtées à une série d'autres difficultés non moins contraignantes. Celles-ci «sont apparues en 2015 et ont perduré pendant une grande partie de l'exercice. Il s'agit principalement des limites imposées à l'exportation d'ammoniac, fait qui a provoqué des situations de blocage. Ce qui a inévitablement réduit la production d'ammoniac, voire même l'arrêt des usines à certaines périodes de l'année. Les conséquences de cette situation sur la chaîne des différents processus et sur le compte de résultats ont été évidemment très négatives», souligne, pour sa part, Javier Goñi del Cacho, président du Conseil d'administration (PCA) de Fertial. Ce blocage des autorisations d'exportation serait, aux yeux de M.Bounour, motivé par des considérations beaucoup plus personnelles que politiques. Fort heureusement, «cette situation, critique pour l'entreprise, a été résolue à partir du mois de septembre, moment où l'on a pu réexporter l'ammoniac», s'enthousiasme, depuis le siège madrilène de Fertiberia. M. Goñi, qui en est également le PDG. «Auparavant, il fallait fournir les contrats de vente avant d'obtenir l'autorisation d'exporter auprès du ministère de l'Energie. Avec nos collègues d'Asmidal, représentants de l'Etat algérien, nous avions trouvé un terrain d'entente. Nous faire délivrer par anticipation des autorisations sur la base d'une liste de clients potentiels prédéfinie (environ une dizaine). Ces autorisations sont utilisées à chaque opération à l'export», nous rappellera son collègue Mokhtar Bounour. Un pur hasard ? La période où interviendra cet heureux dénouement avait coïncidé avec la tenue du 11 au 17 septembre 2016 à Santander dans la région ibérique de Cantabria, la première édition du Global Youth Leadership Forum (GYLF). Au cours de ce forum destiné à offrir un espace de dialogue entre les jeunes leaders et les agents politiques, patronaux, culturels et sociaux issus du monde entier, trois «illustres» hôtes, faut-il le noter, s'y étaient rencontrés (samedi 17 septembre) ; Juan Miguel Villar, président de GVM, Abdeslam Bouchouareb, l'ancien ministre de l'Industrie, et Ali Haddad, président du groupe ETRHB Haddad. Mieux, ce dernier deviendra, moins de deux mois plus tard, le propriétaire des 17% de parts dans l'une des plus grandes entreprises du pays après Sontrach et Sonelgaz. Surchauffe La nouvelle reconfiguration du tour de table où siègent désormais trois représentants de GVM, trois du groupe Asmidal, Ali Haddad et le SG de ETRHB Haddad, «suppose un soutien d'un des plus importants groupements d'entreprises privées du pays au plan de croissance future de la société», estime le PCA, M. Goñi. L'économie nationale, l'avenir de Fertial et les «intérêts» des 1035 pétrochimistes, le nouvel actionnaire s'en soucie aussi. «Notre venue à Fertial a pour objectif l'amélioration continue de ses profits, mais surtout ses performances au profit de l'économie nationale et de ses travailleurs également qui sont les vrais propriétaires de la société. Car c'est avec les travailleurs et les efforts de sa direction que nous pouvons évoluer et faire de Fertial un modèle à même de réaliser des résultats plus probants à l'avenir», déclarait M. Haddad, le 7 mars dernier, à l'occasion de sa première visite, très discrète, sur le site de Fertial Annaba et à laquelle étaient présents Javier Goñi, PCA et Miloud Louhich, PDG du groupe Asmidal. Neuf mois plus tard, c'est la «surchauffe» aux usines de Annaba et d'Arzew ; ces «performances» et ces «profits» débarquent déjà (850 000 tonnes d'ammoniac, 200 000 tonnes d'engrais et 35 milliards de dinars de chiffre d'affaires). Autant dire que si tout semble sourire à Fertial, c'est plutôt grâce au «génie» du jeune manager M. Bounour et la «main verte» du patron des patrons. Ce grand passionné des bonnes affaires doit se frotter les mains, Fertial vient de se doter d'une nouvelle unité de production d'engrais de mélange d'une capacité théorique d'environ 200 t/ heure et dont les investissements se sont élevés à plus d'un million d'euros d'investissements. L'entrée en service de cette nouvelle unité est prévue pour janvier 2018, nous a annoncé David Herrero. Après les 17% de Fertial, c'est un siège au tour de table de la coentreprise algéro-omanaise, Al Djazaïria Al Omania Lil Asmida (AOA), qui serait aujourd'hui, à en croire des sources bien informées, dans le viseur de Ali Haddad. La mise sur pied du nouveau complexe d'Arzew (Oran) ayant coûté aux deux partenaires, Sonatrach et l'omanais Suhail Bahwan Holding Group (SBGH) plus de 2,5 milliards de dollars d'investissements pour la mise sur le marché de quelque 2,4 millions t/an d'ammoniac converti à l'urée.