Le produit cabas, ce nouveau casse-tête chinois pour la filière pharmaceutique nationale, a été au cœur des débats en public comme dans des échanges en aparté, entre les participants à la rencontre organisée le week-end passé au Sheraton Annaba, à l'initiative du bureau local du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (Snapo). Les réseaux contrebandiers et la mafia naissante des «produits cabas» chercheraient-ils à faire de la région Est une plaque tournante du trafic de médicaments d'origine douteuse en provenance de l'étranger, Marseille en particulier ? Une question qui s'impose eu égard à la multiplication, depuis le début de l'année en cours, des saisies par les services des Douanes aussi bien au port, à l'aéroport qu'aux postes frontaliers algéro-tunisiens. De plus en plus de «produits cabas» sont prescrits par nombre de médecins, notamment ceux souffrant de lourdes maladies chroniques. Ces produits d'origine douteuse, provenant essentiellement d'Europe et de certains pays voisins, autrement dit mis sur le marché hors de tout contrôle, constituent une menace certaine, car pouvant ouvrir la voie à l'introduction sur le territoire national de médicaments issus de la contrefaçon. Phénomène très répandu dans le monde, mais dont notre pays est, Dieu merci, jusqu'à l'heure à l'abri. La contrebande peut être une source d'approvisionnement de ce genre de produits contrefaits. Il faut être extrêmement vigilants», prévient dans une déclaration à El Watan-Economie, Messaoud Belambri, président national du Snapo, qui appelle l'ensemble des acteurs du secteur au strict respect des circuits d'approvisionnement légaux, les producteurs nationaux, les importateurs et les distributeurs agréés, en l'occurrence. «Le procédé des produits cabas a pris, depuis au moins deux ans, des proportions inquiétantes. De connivence avec des pharmaciens, plusieurs médecins de différentes spécialités, dont la cardiologie, l'ophtalmologie et l'urologie, encouragent, de manière indirecte, la prolifération des réseaux de trafic de médicaments et dispositifs médicaux clandestinement importés de Marseille et de Tunisie. La plupart de ces produits n'existent pas dans la nomenclature nationale. D'où le danger pour la santé publique que cela suppose», abondent des pharmaciens de Annaba interrogés. En témoignent d'ailleurs, ajoutent-ils, «les différentes saisies opérées ces derniers temps par les services des Douanes». D'autres patrons d'officines ont profité de leur présence au regroupement de Annaba, au cours duquel ont été, entre autres, débattus «Projet de loi sanitaire, Système du tiers payant, Formation continue, Marges bénéficiaires et Loi et arrêté sur les psychotropes et Produits cabas», pour rappeler que «les dons de médicaments, subterfuge derrière lesquels se cachent les importateurs clandestins, aveuglés par leur cupidité, pour justifier leur recours aux «produits cabas», sont interdits en Algérie. L'Algérie n'a pas besoin de dons en provenance de l'étranger. Il y a 11 000 pharmaciens qui assurent le tiers payant. Autrement dit, pas moins de 35 millions d'Algériens bénéficient du système chifa». Mieux, renchérit M. Belambri, «ce système devrait être amélioré avec la plateforme en cours d'élaboration, à la demande du gouvernement, par le Snapo, l'Ordre des pharmaciens en concertation avec les DG des deux caisses de sécurité sociale (CNAS et Casnos) et qui sera incessamment soumise au ministère du Travail». Aussi, estime pour sa part Toufik Slama, président local du Snapo, aujourd'hui que le marché national est couvert à hauteur de 55 % (17 % en 2010) par des fabricants nationaux ; 80 unités et 150 autres en projet, le reste par des importateurs agréés (deux milliards de dollars à fin 2017), «ces ‘‘produits cabas'', d'origine douteuse, qui ont fait leur apparition ces deux dernières années et se répandent à un rythme fou partout en Algérie, Tébessa, Souk Ahras, Sétif et Annaba, notamment, risquent de nuire à tout le monde, le malade en premier». La région Est, Eldorado des contrebandiers Les réseaux contrebandiers et la mafia naissante des «produits cabas» chercheraient-ils à faire de la région Est une plaque tournante du trafic de médicaments d'origine douteuse en provenance de l'étranger, Marseille en particulier ? Une question qui s'impose, eu égard à la multiplication, depuis le début de l'année en cours, des saisies par les services des Douanes, aussi bien au port, à l'aéroport qu'aux postes frontaliers algéro-tunisiens. La toute dernière remontant à fin novembre dernier, lorsque des éléments de l'inspection principale de visite-voyageur d'El Heddada (Souk Ahras), à la frontière algéro-tunisienne, ont découvert un important lot de produits pharmaceutiques dans les cabas d'un voyageur, de retour de Tunisie. Quelques semaines auparavant, leurs collègues de la brigade mobile terrestre régionale ont réussi à mettre la main, lors d'une opération de contrôle d'une officine, sur une impressionnante quantité de médicaments en forme sèche et liquide, de diverses marques et d'origine douteuse, comprimés, gouttes, solutions injectables et flacons de sirops destinées à des pathologies lourdes. Bien avant, mi-septembre, outre des lots d'ecstasy, de Subutex, c'est une tentative d'introduction sur le territoire national d'une quantité importante de produits psychotropes, une centaine de boîtes totalisant 2272 comprimés et une cinquantaine d'ampoules de liquides narcotiques injectables, jusque-là méconnus des Douanes, que leurs collègues en poste à l'aéroport Rabah Bitat ont réussi à déjouer. Début du mois de février, une autre opération portant sur un lot de comprimés de Subutex, découverts dans les bagages d'un ressortissant algérien basé à Lyon, a pu être mise en échec. La fouille, fin du même mois, par la brigade intervenant au centre du tri postal de colis, a révélé l'existence d'une grande quantité de comprimés d'ecstasy expédiés depuis la France, énumérera Reda Mehafdi, chef de l'Inspection divisionnaire des Douanes de Annaba. Les colis postaux, nouveau mode opératoire ayant fait surface pour la première fois en 2010, lorsqu'un des lots de 2000 comprimés de Lorazepan, des milliers d'autres de Temesta, ainsi que des centaines de flacons de morphine liquide, tous contrefaits, avaient été frauduleusement expédiés de France. Au mois d'avril, près de 500 boîtes de médicaments d'origine et de qualité douteuses destinées à diverses pathologies (cancer, asthme, insuffisances rénales et cardiaques) avaient, par ailleurs, été saisies au poste frontalier d'Oum T'boul (wilaya d'El Tarf). Autant dire que même des produits aussi sensibles ne sont pas épargnés par les contrebandiers qui, de plus en plus avides de gain facile et rapide, n'hésitent pas à mettre en danger des vies humaines. Et les uniformes gris en sont conscients et tentent de s'adapter au mieux aux modes opératoires utilisés par les trafiquants, en constante évolution. A l'instar de la drogue, sous toutes ses formes, le médicament constitue pour l'institution douanière l'une des priorités absolues dans la lutte anti-fraude aux fins de contenir le fléau. Le trafic par voie terrestre que favorise l'instabilité politique chez certains pays du Sahel est ce dont elle se soucie le plus. L'ancien itinéraire utilisé par les narcotrafiquants et les contrebandiers de médicaments contrefaits étant la route du Sud, vers la Libye (un marché très juteux) via la Tunisie à partir du poste frontalier d'Oum T'boul, nous a-t-on appris aux Douanes régionales de Tébessa. C'est justement pour venir à bout de l'importation, du commerce et de l'usage illicites des psychotropes et autres produits stupéfiants, que la loi 04-18 de décembre 2006, devrait être révisée. Sur ce grand chantier, sont à pied d'œuvre les services de sécurité, la justice ainsi que les professionnels de la santé. La finalité étant la mise à jour de la réglementation en vigueur, a annoncé, depuis Annaba, le président du Snapo. En parallèle, poursuit-il, un arrêté ministériel «est en cours d'élaboration aux fins d'une meilleure organisation, au plan technique, des opérations d'importation, de distribution, de vente en gros, au niveau des officines hospitalières et privées. Y est également prévue l'actualisation de la classification de ces produits».