Un juge sauvagement assassiné et un chef de parti qui se fait tancer par le président de la République, le dénominateur commun est la corruption. Le premier était chargé des affaires pénales à la cour d'Oum El Bouaghi et enquêtait sur des affaires de gros sous et sur des malversations économiques, le second, Bouguerra Soltani, a crié haut et fort qu'il détenait des dossiers impliquant de hautes personnalités dans la corruption. Le jeune magistrat de 35 ans exerçait son métier dans une contrée reculée, côtoyait au quotidien la corruption, la traquait, prenait des risques au point d'avoir rendez-vous avec la mort. Au vu des éléments dont ils disposent sur son meurtre, les enquêteurs éloignent la piste terroriste, n'excluant pas que des brigands locaux ou des maffiosi d'envergure nationale aient décidé de le supprimer pour stopper une enquête ou par vengeance sur des affaires dévoilées. Ou bien pour refus de collaboration avec eux. Ministre d'Etat bénéficiant des avantages de sa fonction, le président du MSP ne savait rien de la vraie corruption, c'était pour lui tout juste une expression productive, du pain bénit pour amorcer la campagne électorale pour les législatives de 2007. De nos jours, ça rapporte gros politiquement de parler de cette calamité qui affecte notre pays et le mène à la ruine. Dans les colonnes de la presse, les chiffres donnent le tournis : ce sont des milliers de milliards de centimes qui ont été détournés et ce qui est découvert et livré au public n'est rien par rapport à ce qui est passé dans les mailles du filet. Le préjudice réel doit être de dix, vingt, trente fois plus... Une partie de la richesse nationale est partie dans les comptes en banque d'individus de tous acabits qui ont sévi des années entières, mettant à profit la déliquescence des institutions de protection et de contrôle de l'Etat. Le président de la République et le chef du gouvernement ont signifié au président du MSP de livrer ses preuves ou d'avoir affaire à la justice. C'est un bon test pour savoir jusqu'où iront ces plus hautes autorités du pays dans la lutte contre la corruption : si Bouguerra Soltani ne livre aucun dossier, sera-t-il exclu du gouvernement et traduit en justice ? Si rien n'est tenté contre lui, on comprendra alors que le discours officiel contre la corruption n'est finalement que du vent et que c'en est fini du pays. Ce qui fera mal au cœur, ce sera le sacrifice vain de B. Nabil d'Oum El Bouaghi. Quant aux autres magistrats du pays, se rendant à l'évidence que le pouvoir politique n'est pas solidaire avec eux jusqu'au fond et qu'il est prêt à les lâcher pour protéger quelqu'un du sérail, ils seront enclins à faire marche arrière. Dramatique issue au moment où le pays assiste à une rapide mutation dans son banditisme, combinant terrorisme, crime organisé et corruption d'une manière de plus en plus sophistiquée.