Autrefois disposés en enfilade, les artisans dans La Casbah se comptent sur les doigts d'une main. Désormais, ce corps de métier ancestral ne fait plus bon ménage dans le dédale de cette cité décrépite par l'usure du temps et par la main de l'homme. L'artisanat ne fait plus recette au moment où les touristes commencent à poindre chez nous pour arpenter les venelles de la vieille médina et tenter de découvrir un patrimoine qui va à vau-l'eau. Quant aux artisans qui dépassent 80 ans et que le département de la PMI/PME artisanat a voulu honorer, non tardivement, ils n'existent plus. Vous pouvez passer un autre jour ! Difficile de débusquer un octogénaire exerçant un des métiers dans cet espace dont les murs font l'objet d'une gauche réhabilitation que d'aucuns assimilent au procédé ersatz auquel recourait « Tbib sqolli ». Pardon, un seul artisan continue de faire contre mauvaise fortune bon cœur dans un atelier niché dans la rue Bénachère — Ben'âchir pour les vieux Casbadjis — au milieu d'un foisonnement d'échoppes, répondant davantage à la fringale de la panse et autres boutiques de prêt-à-porter qu'aux mains habiles qui s'adonnaient au bel ouvrage. Cela ne nous rappelle pas moins les œuvres immatérielles (en vogue dans notre langage) réalisées par ses prédécesseurs comme ammi Abdelhamid Kobtane, Mustapha Lakehal, Sfaksi et autre dernier tisserand Mohamed Hamlat. Le vieil homme tapi dans son atelier d'ébénisterie d'art cumule plus 67 ans d'activité. Le poids des ans n'a pas eu raison de sa passion à laquelle il se frotte depuis 1939. Il a fallu attendre 2006, à quelques semaines de l'an 2007, pour qu'on daigne penser le gratifier d'un bonus. Pour dire juste à nos futurs convives arabes, qu'il existe toujours des orfèvres octogénaires qui activent chez nous et qu'il n'est jamais trop tard pour leur encenser, après que leurs confrères eurent déserté le village des artisans sis au Bois des arcades. Ces rares oiseaux qu'on déterre pour les encenser à l'occasion. Ces oiseaux qui se cachent pour mourir. Mais n'est-ce pas « à l'œuvre, qu'on reconnaît l'artisan » ?, pour reprendre à juste titre le propos de Jean de La Fontaine. Fin de citation.