Décembre. Le Cabaret Sauvage affiche une programmation éclectique. Cette immense salle de spectacles en forme de chapiteau clôt la célébration de ses vingt ans en fanfare, dans la joie et la bonne humeur. Meziane Azaïche est le créateur de ce lieu, haut en couleur, où l'ambiance est à la fête et au divertissement. «C'est un vrai professionnel du spectacle», déclare d'emblée Mohamed Ali Allalou, acteur et ancien animateur de la Chaîne III (radio algérienne), au sujet de Méziane Azaïche, directeur du Cabaret Sauvage. Si cet homme souriant, au verbe direct et passionné, est présenté comme le fondateur de cet établissement de spectacles, en réalité, il est plus que cela. Meziane est concepteur, créateur, entrepreneur et producteur. Il est aussi artiste dans l'âme. Le Cabaret Sauvage, lieu de fête et de divertissement, devenu une référence du spectacle dans la capitale parisienne, doit son existence à un rêve qui remonte à l'enfance. Dans la Kabylie natale de Méziane. Le rêve parisien ! A cette époque déjà, le jeune garçon se représentait Paris comme la ville du possible. En allant vivre à Paris, il était persuadé qu'il réaliserait son rêve. Rêve qu'il concrétisa des années plus tard. Mais à quel prix ! Car à son arrivée dans la ville lumière, à l'âge de 23 ans, Meziane se retrouve confronté à la dure réalité parisienne. Paris est une ville qui avale et broie. «C'est une ville difficile. Il existe un code pour ouvrir les portes, et j'ai mis longtemps pour le trouver», confie Meziane Azaïche. La tête pleine de projets, Meziane ne se décourage point . Déterminé à réaliser son rêve de créer des «lieux de convivialité, d'échanges non conformistes et métissés», il ne se laisse surtout pas prendre dans le filet de la désillusion. Il prend conscience qu'il ne doit compter que sur lui-même. Il rallume le feu de son rêve d'enfance. Il se jette dans la gueule du loup. Il s'affaire. Il entreprend. Il persévère. Meziane parvient à se frayer un chemin dans la ville froide et impitoyable. «Meziane Azaïche a un parcours exceptionnel. Parti de rien, il s'est forgé une crédibilité exceptionnelle en termes de programmation de spectacle vivant et comme propriétaire d'un lieu exceptionnel, le Cabaret Sauvage, lieu incontournable pour les arts du cirque ou les musiques du monde», déclare l'historienne Naïma Yahi. Ses débuts sur la scène parisienne s'annoncent encourageants. Il achète deux cafés-resto, le Baladin et le Zéphir, situés dans le 20e arrondissement de Paris. Les soirées musicales organisées dans ces lieux accueillent un grand nombre d'artistes. Mais Meziane n'abandonne pas l'idée de créer un lieu aux couleurs d'une humanité cosmopolite. A la recherche d'«expériences constructives qui mènent vers le monde», il loue le Magic Mirror (1993). Quatre années plus tard, en décembre 1997, il rachète le Cabaret Sauvage. Il signe un contrat avec la direction du Parc de la Villette et construit ce lieu en dur. Son rêve d'enfant est sur le point d'être réalisé ? Pas tout à fait ! Car des difficultés financières pointent leur nez. C'est alors qu'un miracle se produit. Arezki, le plongeur du Cabaret, gagne au loto et s'associe à Meziane. Le rêve de l'enfance peut alors se réaliser. «Lieu chaleureux et onirique, le Cabaret Sauvage doit beaucoup à Meziane qui a le sens de l'hospitalité, le goût des belles choses et qui est très exigeant quant à la qualité de sa programmation, l'innovation et aussi la poésie de ses spectacles», affirme Naïma Yahi. Le goût de l'hospitalité ? Le sens de la générosité et du partage ? Meziane les pratique spontanément dans ce chapiteau recouvert de velours rouge et entouré de miroirs où, sur le parquet circulaire, la foule danse jusqu'à la transe. «Méziane est généreux et partageur», raconte Mohamed Ali Allalou. «Je l'ai vu, très souvent, donner, aider, soulager, apporter du réconfort. Meziane est un fonceur. Il prend beaucoup de risques. Il sait s'entourer», rajoute celui qui, à plusieurs reprises, a travaillé aux côtés du créateur du Cabaret Sauvage. Si Meziane Azaïche a produit un grand nombre d'artistes de France et d'ailleurs, il s'est particulièrement attaché à rendre visible, en France, la scène musicale algérienne. C'est lui, par exemple, qui a lancé Souad Massi. C'est lui qui a permis aux chanteuses algériennes de se produire au Cabaret Sauvage. En 1999, il programme «cinq nuits de fête pour rendre hommage aux femmes d'Algérie». Son objectif ? «Célébrer le courage, la liberté, la force de dire ‘non' et la douceur inébranlable dont les femmes ont fait preuve lors de la guerre civile algérienne des années 1990, entre le pouvoir et les intégristes». Dix-huit années plus tard, le Cabaret Sauvage reconduit le festival. Souad Massi, Hasna El Becharia, Samia Diar investiront la scène du chapiteau, le samedi 30 janvier. «Fidèle à ses origines, il a toujours eu à cœur de faire connaître et partager les musiques du Maghreb. Il représente beaucoup pour toute une génération d'artistes venus de l'autre côté de la Méditerranée qu'il a su accueillir et accompagner pour rencontre le public français», précise Naïma Yahi. Au nom de la mémoire, il met en scène l'histoire de l'immigration algérienne à travers un spectacle musical. Pour Méziane, Barbès Café est «une ode à l'immigration algérienne, pluriculturelle et multiculturelle». En 2015, il réalise «Cabaret Tam Tam». Ce spectacle raconte l'histoire des cabarets orientaux qui ont fait vibrer les nuits parisiennes de 1940 à 1980. En faisant revivre l'ambiance des cabarets orientaux, Meziane voulait rendre hommage aux artistes qui ont fait exister ces lieux «où il y avait une richesse en matière de communication, de partage et de mixité». 2017 s'achève sur des airs afro, indien, reggae, rock, électro, kabyle, gnawa… 2018 s'annonce encore plus colorée, métissée, drôle et insolite.