La demande officielle de l'Algérie à la France de restituer les crânes des résistants algériens du XIXe siècle et les archives de 1930 à 1962 et la disposition de la France de la satisfaire constituent une véritable avancée dans la coopération mémorielle entre les deux pays, a-t-on estimé à Paris. Il y a lieu d'admettre que la coopération algéro-française a connu ces dernières années un bond quantitatif et qualitatif dans tous les domaines. Toutefois la question de la mémoire est restée suspendue en raison de ses dossiers qualifiés de «sensibles» et de «complexes», legs d'une colonisation sanglante. Mais c'est à la faveur de l'entretien qu'avait eu le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, le 6 décembre dernier, avec son homologue français, Emmanuel Macron, qui effectuait une visite de travail et d'amitié, que la décision a été prise de restituer les 36 crânes de résistants algériens conservés au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris, et des copies des archives concernant l'Algérie de 1830 à 1962. Avec ces deux gros dossiers, les choses semblent bouger dans le «bon sens», de l'avis de nombreux observateurs, qui rappellent à cet effet la visite inédite et historique du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, en France en janvier 2016. Lors de cette visite, le ministre avait souligné que la question mémorielle constitue «l'axe principal» dans les relations entre les deux pays pour que s'établisse une «confiance mutuelle». «Nous n'avons, avec la France, aucun différend. Nous avons seulement, entre nous, des dossiers en suspens qui empoisonnent constamment nos relations», avait-il précisé, estimant que «le langage et le ton ont changé (du côté français) et il en est de même pour certaines positions, notamment celles liées à notre histoire commune». Afin de déblayer le terrain, trois sous-commissions ont été mises sur pied, dans le cadre du partenariat d'exception voulu par les deux pays depuis 2012. Elles sont chargées d'examiner et d'élucider tous les contentieux liés à la question mémorielle. A cet effet, des discussions sont engagées autour de la restitution des archives, l'indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires et les disparus algériens durant la guerre de libération nationale. Qualifiant la disponibilité de la France de restituer à l'Algérie les crânes et les copies des archives de 1830 à 1962 de «percée» dans ce dossier sensible de la mémoire franco-algérienne, le Premier ministre Ahmed Ouyahia avait indiqué, dans une conférence de presse à Paris le 7 décembre dernier, que les deux pays vont continuer à discuter à propos de la restitution graduelle des archives. Longtemps revendiquée par les autorités algériennes, la restitution des archives est restée insatisfaite même si une infime partie a été réceptionnée, environ 2 % de la totalité existant en France, selon le ministre des Moudjahidine. Un rapport de la Cour des comptes française, publié en février 2017, a fait état d'un volume important d'archives qui n'a pas encore été ouvert depuis leur rapatriement d'Algérie en 1962. Les archives restituées sont seulement celles de la période ottomane (antérieure à 1830), qui avait été emportées «par erreur», selon le même rapport. En 2008, la Télévision algérienne a reçu de l'Institut français de l'Audiovisuel (INA) un patrimoine de 400 heures d'images vivantes (1862 documents) tournées entre la Seconde Guerre mondiale et l'indépendance de l'Algérie (1940-1962). En ce qui concerne les 36 crânes de résistants algériens, conservés au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris, c'est le chercheur en histoire, l'Algérien Ali Farid Belkadi, qui les a découverts dans le cadre de ses travaux de recherche. Ce spécialiste de l'histoire antique et de l'épigraphie libyque et phénicienne, qui s'intéresse également à la période coloniale, avait précisé, en 2011 à l'APS, que certains fragments de corps étaient conservés au MNHN de Paris, depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans la collection ethnique du musée.