Le mouvement de grève des médecins résidents se durcit de jour en jour. Après la violente répression policière dont ont été victimes de nombreux médecins, la protestation s'est amplifiée avec une forte mobilisation de tout le corps médical, tous rangs confondus. Outre le boycott du DEMS session normale de janvier, organisé cette semaine, une marche nationale est prévue aujourd'hui à Oran et un rassemblement de soutien sera organisé simultanément à l'hôpital Mustapha Bacha à Alger. Des manifestations durant lesquelles les grévistes vont réitérer leurs principales revendications non encore prises en charge, selon les représentants du comité des résidents, lequel n'a pas cessé depuis plusieurs semaines de revendiquer une révision globale du service civil tel qu'il est présenté aujourd'hui. Une obligation qui doit être reformulée et réétudiée, a expliqué le Dr Mohamed Taïleb, résident en pneumologie à l'hôpital Mustapha Bacha, à Alger. «Nous assistons à l'échec total du service civil et tout le monde le sait. Pour preuve, les hôpitaux du Nord sont saturés à cause justement du service civil qui n'a pas assuré une réelle prise en charge localement. Les malades fuient ces régions pour venir se soigner dans les hôpitaux des grandes villes, malheureusement ils sont souvent mal pris en charge et parfois pas du tout.» Seul le médecin spécialiste n'obtient pas son diplôme universitaire définitif après la validation de son cursus universitaire, comme tout Algérien universitaire, mais seulement après l'acquittement du service civil, a-t-il noté, non sans rappeler que «depuis la mise en place du service civil en 1969, les médecins algériens n'ont jamais refusé d'accomplir cette mission. Mais aujourd'hui, ce service civil a échoué et il a montré ses limites. Il n'est plus possible de l'effectuer avec les mêmes conditions d'il y a 48 ans». Il a été, poursuit-il, à l'origine d'une multitude de difficultés socioprofessionnelles. «Le service civil a provoqué d'énormes cassures sociales et familiales. Le médecin résident est privé de tous ses droits élémentaires consacrés par la Constitution. Il est soumis à la fois au service civil et au service militaire. Il n'a pas le droit au regroupement familial, alors que les familles sont disloquées durant des années. La mère et les enfants d'un côté, et le père de l'autre, et vice versa. Pis encore, le résident est envoyé dans des zones désertées au sens propre du terme dans des centres dépourvus de tous les moyens médicaux pour accomplir sa mission. Avec l'inexistence des plateaux techniques dans les centres hospitaliers, le résident est donc inefficace dans de telles situations», a-t-il déploré. Et de demander l'abrogation de l'obligation du service civil et son remplacement par un autre système de couverture sanitaire pour l'intérêt du patient et l'épanouissement socioprofessionnel du médecin spécialiste. Comme il est aussi exigé d'abroger les articles portant obligation de service civil dans la nouvelle loi sanitaire en attente d'être examinée par les députés. Un texte sur lequel le Pr Mokhtar Hasbellaoui, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière compte beaucoup pour trouver des solutions. Pour le représentant du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), le ministre de la Santé a usé d'«un discours populiste». «Lorsque nous l'avons rencontré, il a parlé durant quinze minutes sans formuler la moindre proposition concrète à notre problème. Il nous renvoie vers les députés et il a même dit qu'il ne pouvait rien faire pour nous.» Et de conclure en rappelant que le médecin algérien en général et le médecin résident en particulier «n'est pas traité selon les textes de la Constitution du fait qu'il a plus de devoirs et moins de droits que le reste des citoyens algériens, comme s'il n'en faisait pas partie. Seul le médecin spécialiste est assujetti à un service civil obligatoire, contrairement au reste des universitaires et citoyens algériens. Seul le médecin algérien ne bénéficie pas de la dispense du service militaire, quand tous les autres citoyens y ont droit. A travers le monde, seul le médecin spécialiste algérien passe deux services : civil et militaire, et seul le médecin résident ne bénéficie pas des œuvres sociales, contrairement à tous les travailleurs algériens».