Des contrats annuels à l'export de 200 000 tonnes pour le phosphate algérien de perdu au moment où l'Algérie ne trouvait plus de place pour ce produit sur le marché international. Alors que les négociations, déjà entamées sur instruction présidentielle, consécutive à la première visite d'Etat de M. Abdelaziz Bouteflika en Espagne (début octobre 2002), avec le boss de Grupo Villar Mir (GVM) pour la reprise d'Asmidal mais non sans le phosphate de Ferphos Group, étaient près d'aboutir, le ministère de tutelle s'y était impliqué en faisant une bien curieuse concession aux vis-à-vis espagnols. La genèse d'une privatisation où le politique s'est mêlé à l'économique, tel que retracée, à travers le témoignage fait à El Watan Economie par d'anciens cadres dirigeants ayant vécu tout le processus et qui ont tenu à garder l'anonymat. Le 4 octobre 2002, une importante délégation algérienne composée des premiers responsables de l'ex-Ferphos Group, de l'ex-SGP Somines, du directoire Asmidal, s'était déplacée à Madrid (Espagne) pour des discussions sur d'éventuels partenariats avec des entreprises espagnoles, particulièrement le Groupe Villar Mir, dans le domaine des engrais et des phosphates. Au terme de cette rencontre avait été signé le premier protocole d'accord où il était convenu que GVM vienne en Algérie pour prendre des participations à Asmidal avec ses deux filiales Alzofert (Oran) et Fertial Annaba dans la perspective de développer la filière des engrais et l'agriculture algérienne en partageant l'expérience réussie en Espagne et le savoir-faire de GVM en la matière. Il était également convenu que soit développée la transformation des phosphates algériens pour produire de l'acide phosphorique et éventuellement les engrais phosphatés. Cette mission et ce protocole s'inscrivaient, en quelque sorte, dans le cadre de la préparation de la première visite d'Etat en Espagne, après son élection en 1999, du président Abdelaziz Bouteflika, à l'invitation du Roi Juan Carlos. Visite qui aura lieu trois jours plus tard (7 octobre 2002). Bouteflika était accompagné de plusieurs ministres dont Abdelhamid Temmar, alors ministre de la Participation et de la Promotion des investissements. Du côté espagnol, y étaient présents le chef du gouvernement, José Maria Aznar, des ministres et des hommes d´affaires, à leur tête Juan Miguel Villar Mir. Ce dernier fut présenté par le Roi comme «son ancien compagnon de classe durant l'adolescence, ancien ministre de l'Economie et des Finances et homme d'affaires qui a ‘‘sauvé'' Fertiberia de la faillite, contribué au développement de l'agriculture espagnole et que M Villar Mir était disposé à partager son expertise et son expérience avec les Algériens». La réaction de M. Bouteflika ne s'était pas fait attendre : «Je suis preneur, je suis preneur, je suis preneur», répétait-il à l'adresse de M Villar Mir, au prestigieux invité du Roi, avant de se tourner vers son ministre M. Temmar, l'instruisant de s'en occuper. D'autant que le dossier de privatisation d'Asmidal était déjà ouvert (début 2000, sous le gouvernement Benflis). La machine s'était, par la suite, rapidement mise en marche pour la cession d'Asmidal au GVM aux fins du développement des filières des engrais et des phosphates en Algérie. Pour cela, il fallait que Fertiberia consente à conclure avec Ferphos Group des contrats annuels d'au moins 200 000 tonnes de phosphate, produit auquel le marché international était devenu de moins en moins accessible. D'autant que Fertiberia achetait plus d'un million de tonnes/an de phosphate marocain. Cette condition était un préalable au lancement du premier module de transformation algérien en acide phosphorique. Alors que les négociations étaient toujours en cours entre Ferphos, Asmidal et les Espagnols (2004), M. Temmar avait été appelé à d'autres fonctions (ministre conseiller auprès de la Présidence). Yahia Hamlaoui, ministre délégué à la Participation et à la Promotion de l'investissement prendra le relais. Lors d'une réunion tenue à l'hôtel Aurassi à Alger en présence des représentants de Ferphos, d'Asmidal et GVM pour finaliser les négociations, le ministre délégué Yahia Hamlaoui avait fait irruption dans la salle pour dire aux Espagnols, devant l'étonnement de l'assemblée : «Si le phosphate vous gêne, laissez-le de côté». Car, faut-il le souligner, GVM était très peu enthousiaste pour l'achat de ces 200 000 tonnes de phosphate algérien pour ne pas ‘‘contrarier'' le gros client marocain. Par cette inattendue concession de M Hamlaoui, Ferphos et les phosphates s'étaient retrouvés exclus du futur partenariat algéro-espagnol. Les pourparlers s'étaient clos, mais exclusivement réorientés vers les engrais azotés (ammoniac), autrement dit vers la rente. Avec la bénédiction du n°1 du gouvernement, M. Ouyahia, et le sentiment de mission accomplie pour son ministre des Participations, M Temmar à l'époque, GVM deviendra en août 2005 le nouveau propriétaire l'ex-Groupe Asmidal (66% de parts du capital). Depuis novembre 2016, faut-il le rappeler, la majorité est, en vertu de la règle 51/49, revenue aux Algériens avec l'arrivée du groupe ETRHB de Ali Haddad auquel GVM a cédé 17%, le reste (34%) toujours contrôlé par le groupe industriel engrais et produits phytosanitaires, EPE Asmidal SPA.