Pour faire valoir ses droits, la société se prend de plus en plus en charge contre les pouvoirs publics, assumant les risques de la désorganisation et de la violence. Elle le fait avec ses propres ressorts, réussissant quelquefois à faire entendre sa voix mais avec le risque de s'exposer à une répression de plus en plus dure. Dans ce bras de fer quotidien, l'opposition politique semble en retrait. N'eussent été quelques déclarations de partis, tels le RCD et le FFS, ou de personnalités à l'image de Louisa Hanoune ou Soufiane Djilali, les partis politiques donnent l'impression d'avoir déposé les armes. Même Benflis paraît être moins offensif alors qu'il a été un temps à la pointe du combat. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui manquent à l'opposition de se manifester et de se frotter au pouvoir : un climat social explosif, une aggravation de la paupérisation, des scandales de corruption à profusion, une crise économique qui plonge le pays dans l'impasse, la répression qui se durcit… Même des thèmes porteurs de nature à contrer le régime ont été relégués au second plan, voire oubliés, tels la transition politique et la question de la vacation présidentielle par le biais de l'article 88 de la Constitution. Cet effacement, ou ce repli des partis s'explique par des facteurs aussi bien internes qu'externes : guerre des chefs, tentation de s'arrimer au pouvoir, manque de moyens, faible crédibilité électorale, durcissement des lois sur leurs activités, fermeture des médias publics. A une année de l'échéance cruciale de la présidentielle, le champ est laissé quasiment libre à l'alliance présidentielle pour faire le forcing en faveur d'un 5e mandat pour Abdelaziz Bouteflika ou pour l'élection d'un candidat-héritier que désignerait le chef de l'Etat au cas où il jette l'éponge. Ou d'un candidat du système dans la perspective d'un décès du président de la République. Le forcing qui a déjà débuté est appelé à monter en cadence, mettant l'opposition au pied du mur : assistera-t-elle, dans l'impuissance, à l'échec de 27 années de luttes et à un retour à la case départ, c'est-à-dire avant le multipartisme ? Est-ce la mort programmée de l'opposition ? Elle a encore 15 mois devant elle pour opérer un sursaut salutaire. Beaucoup de partis politiques tiendront leur congrès en 2018 et tous seront tenus de se positionner pour la présidentielle d'avril 2019. Une bonne expérience existe, celle de la CNLTD qui a eu le mérite de réunir autour d'une table et d'un programme d'action de nombreux partis et plusieurs personnalités politiques. Si depuis 2014 la CNLTD a eu peu d'impact sur le terrain, elle reste toutefois un cadre privilégié de concertation, de débat et pourquoi pas d'action. Tout récemment, une idée a été évoquée, celle d'une candidature unique de l'opposition pour la présidentielle à venir. Soufiane Djilali du parti Jil Jadid, qui en est l'auteur, y croit. Certainement qu'il y milite pour avec la conviction que des candidatures individuelles, même de personnalités prestigieuses, ne pèseront pas lourd le moment venu face à l'armada qui sponsorisera Abdelaziz Bouteflika ou le successeur désigné par le système. Une armada où vont se côtoyer clans et personnalités de la politique, du mouvement associatif et des affaires sous la houlette discrète, mais efficace de l'administration. Comme de tradition, cette armada s'attellera à tout balayer devant elle, fortifiée par les lourds moyens financiers que lui procureront les nouveaux – et anciens – oligarques enrichis à l'ombre du pouvoir. L'idée d'une candidature unique à la présidentielle est a priori séduisante car elle permet le regroupement des forces de l'opposition, mais elle suppose un abandon par les partis de leurs propres ambitions. Elle ne sera pas facile à être adoptée, notamment dans le camp démocratique, profondément marqué par ses échecs historiques.