Il y a quelques décennies, la théorie du développement faisait l'impasse sur les thèmes d'efficacité. Il fallait choisir un schéma de développement macroéconomique et disposer de ressources pour exécuter le processus de développement. On peut alors choisir le schéma de la substitution aux importations ou une stratégie basée surtout sur les exportations avec une grosse spécialisation sur les créneaux où le pays dispose d'avantages comparatifs. Mais les expériences ont produit des résultats bizarres. Durant les années soixante, les mêmes stratégies donnaient des performances diamétralement opposées. La plupart des pays d'Amérique latine et d'Asie avaient commencé par développer des approches macroéconomiques de substitution à l'importation. Les pays asiatiques obtenaient des performances enviables et les pays d'Amérique latine des résultats décevants. Par la suite, beaucoup de pays des deux camps avaient basculé sur des stratégies d'exportation. Avec les mêmes résultats. On commençait à questionner l'efficacité des seules politiques macroéconomiques. Il doit y avoir autre chose qui explique les résultats. Puisque les mêmes politiques macroéconomiques aboutissaient à des résultats différents, il fallait donc isoler la variable causale qui expliquait ce différentiel de performance. Les instances internationales telles que la Banque mondiale et le FMI ont mis beaucoup de temps avant de produire leur fameux concept de bonne gouvernance qui expliquerait une partie de la problématique. On y trouve les fameux concepts de transparence et d'évaluation des politiques publiques. Nous avons eu droit à de nombreux séminaires sur la question, surtout au milieu des années 1990. Mais l'approche a eu peu de résultats tangibles sur les politiques des pays en voie de développement. Une approche plus micro Pourtant, les recherches sur la question avaient débouché sur de nombreuses variétés d'approches. L'une d'elles, appelée l'approche gestionnaire ou managériale, recelait des possibilités salutaires. Elle considérait l'Etat comme une entreprise super complexe qu'il fallait gérer avec les mêmes outils que le busines management. Parmi les éléments complexes du problème, nous allons considérer uniquement les évaluations des politiques publiques. Sachant la complexité managériale appliquée aux institutions publiques à but non lucratif, on ne peut qu'esquisser rapidement quelques approches. En premier lieu, l'évaluation des politiques publiques nécessite une grande maturité. Les entreprises qui ont un management de classe mondiale se font expertiser par d'autres sociétés de conseil qui apportent un éclairage neutre sur le mode de fonctionnement interne et le business modèle. Ce sont pourtant des entreprises qui ont des modèles de management très élaboré. Se faire évaluer est une culture et les bénéfices que l'on peut en tirer sont énormes dès lors que l'on se prête volontiers à l'opération. Dans les pays en voie de développement, les expériences d'évaluation ont laissé de mauvais souvenirs pour les dirigeants. Les évaluations ont rarement concerné des améliorations que l'on souhaite apporter au fonctionnement institutionnel. L'évaluation a souvent été un moyen pour discréditer des personnes qui deviennent peu désirables. Ce sont surtout des contrôles types policiers plutôt qu'un processus d'amélioration. Alors ceci explique en grande partie le rejet et l'incompréhension face à de tels procédés. Il faut reconstruire la confiance perdue. Un gros travail est à faire. Il est heureux de constater que nos citoyens s'intéressent aux processus, des associations se construisent et activent dans ce domaine. Mais il faut aussi que les institutions de formation et les laboratoires de recherche se mettent à diffuser sur les meilleurs moyens de développer des politiques publiques sujettes à évaluation. Il est heureux de constater que de nombreuses thèses de doctorat et mémoires de magistères se sont intéressés à la question. Encore faut-il que les recherches universitaires soient valorisées et donc aider à développer de meilleures pratiques. Des programmes évaluables La problématique de l'évaluation des politiques publiques commence déjà lors de la conception de programmes d'action. On doit construire les indicateurs et les boucles de contrôle qui permettent d'appréhender l'efficacité avec laquelle on peut évaluer. Il faut donc rendre le programme évaluable. On mesure l'input et l'output. Nous avons une culture économique qui considère très peu les ressources utilisées pour arriver à un résultat. Nous avons repris El Hadjar et sa production s'améliore, mais à quel coût ? La culture économique qui occulte les coûts est très prévalente. Une autre considération concerne les programmes sociaux soi-disant peu évaluables : l'aide aux catégories défavorisées dans de nombreux domaines : l'emploi, le logement et le reste. Lorsqu'on construit des indicateurs dès la conception du programme, tout devient évaluable. Les évaluations des politiques publiques ont permis de construire de grandes nations. Les pays scandinaves ont des processus d'évaluation très en avance sur le reste du monde. Pour une raison simple : les citoyens et les associations contribuent. Lorsque le processus devient consultatif et participatif, les chances de réussite seront démultipliées. Lorsque les administrations travaillent en vase clos, les résultats sont peu viables. C'est en même temps un processus technique mais qui peut entre rendu participatif. On ne peut faire l'économie des évaluations des politiques publiques pour ancrer le développement dans les modes de fonctionnement de tous les jours. Nous savons que les déperditions de ressources sont énormes dans une économie où les programmes d'action sont mal conçus et peu évalués. Nous avons connu ce problème durant le boom pétrolier. Des sommes colossales ont été consacrées au développement, mais au final nous sommes toujours une économie dépendante des hydrocarbures et incapable d'exporter. Nous devons méditer l'adage de l'approche gestionnaire : il n'y a pas de pays sous-développés, il y a des pays sous-gérés.A. L.