Un nouveau témoignage, cette fois d'un homme du «système» marocain, accable de nouveau les services de renseignement français (DGSE) et israéliens (Mossad) de l'enlèvement et l'assassinat du célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Berka, à Paris en 1965, sur demande des services secrets marocains. Le voile sera-t-il un jour levé sur l'affaire Mehdi Ben Barka, grand opposant au régime marocain et un des leaders du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste ? Avec le temps, les langues se délient. Des révélations sont attendues sur l'affaire liée à l'assassinat, en France, de l'opposant marocain, Mehdi Ben Barka, à l'occasion de la présentation, hier à Rabat, par l'ancien Premier ministre marocain, Abderrahmane Youssoufi, de ses Mémoires, dans lesquels il atteste de l'implication des services secrets marocains, français et israéliens dans ce crime politique. Dans son ouvrage intitulé Récits du passé, l'ancien Premier ministre du gouvernement de l'Alternance marocain (1998-2002), a décidé, au crépuscule de sa vie (94 ans), de donner sa version des événements vécus par le Maroc le long de la deuxième moitié du siècle passé. Chacune des trois parties, le Maroc, la France et Israël, avait «un intérêt particulier à faire taire Ben Barka», selon l'homme politique marocain. Abderrahmane Youssoufi, ancien militant du parti Istiqlal, avait été chargé de suivre le dossier de l'assassinat de Mehdi Ben Barka auprès de la justice française. Depuis sa disparition à Paris, le 29 novembre 1965, le corps de l'opposant de Hassan II n'a jamais été retrouvé et l'affaire n'a jamais été élucidée. Il fut l'un des principaux opposants socialistes au roi Hassan II et le chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste. De son vivant, il avait initié de nombreuses mobilisations populaires au Maroc. L'ex-président français, François Hollande, avait décidé, en mai 2017, quelques jours avant de quitter ses fonctions, de lever le secret défense sur 89 documents relatifs à l'affaire de l'assassinat, en France, de la figure de la gauche marocaine, dont le corps n'a jamais été retrouvé. Ces documents englobent les rapports, notes de synthèse, bulletins de renseignement, procès-verbaux, auditions, questionnaires, fiches, biographies, des photos et lettres détenus. Mais un document est resté bloqué dans cette déclassification et la CSDN a refusé de lever le secret-défense. Selon les médias français, il s'agit d'un document qui se trouvait, en 2010, dans les locaux de la Direction générale de la sécurité extérieure et dont on ignore le contenu. L'auteur de Récits du passé, qui a tenu à faire coïncider la parution de ses Mémoires avec son 94e anniversaire, Abderrahmane Youssoufi en l'occurrence, regrette à ce titre que son pays «n'ait pas pu amorcer un virage démocratique pour plusieurs raisons». Parmi ces causes, «l'incapacité» de l'élite politique marocaine elle-même à opérer cette transformation. A cela s'ajoutent une «mauvaise gouvernance» et «une administration archaïque». Ont été évoqués notamment, outre son enfance, les dessous de son retrait de la vie politique en 2003, des épisodes du mouvement national marocain, des premières heures de l'aube de l'indépendance, ses liens avec feu Mehdi Ben Barka, son opposition au régime, sa prise de commande de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et sa pratique politique au sein du gouvernement de l'Alternance marocain. Divisés en trois parties, les Mémoires, rédigés par son compagnon de route M'barek Boudarqa, seront présentés au théâtre Mohammed V de Rabat, qui coïncide avec son 94e anniversaire. Alhadith fi ma jara (Récits du passé) est une compilation en trois tomes d'éléments biographiques, d'entretiens et de discours de l'ancien opposant et chef du gouvernement. L'ouvrage sortira en librairie le lendemain de sa présentation au public au théâtre Mohammed V à Rabat, une présentation à laquelle prendra part Abderrahmane Youssoufi, en compagnie de nombreuses personnalités marocaines et internationales de la politique.