Le général à la retraite Hocine Benhadid a été condamné, jeudi dernier, à une année de prison avec sursis, assortie du paiement d'une amende de 20 000 DA. Le verdict a été prononcé en son absence, lors d'une audience à laquelle ont assisté ses avocats. Benhadid, toujours sous contrôle judiciaire, avait comparu devant le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger, le 8 mars, pour répondre de deux chefs d'inculpation, dont «outrage à corps constitué», pour lesquels le parquet a requis un an de prison ferme. Ses trois avocats, Mes Mustapha Bouchachi, Bachir Mechri, et Khaled Bourayou, avaient plaidé la relaxe en insistant sur les vices de forme qui entachent ce dossier, notamment sur le fait qu'il ne comporte pas de plainte préalable, comme le stipule l'article 144 du code pénal, pour lequel le prévenu a été poursuivi. Ce dernier, et malgré son état de santé, n'a pas hésité à expliquer, durant plus d'une heure et d'une voix éteinte, les propos qu'il avait tenus sur une chaîne de radio qui émet sur la Toile. «En ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, le régime me poursuit alors que je suis un officier supérieur de l'armée, qui n'a commis aucun crime, si ce n'est d'avoir entendu ma conscience (…). Lorsque je vois la menace qui pèse sur le destin de l'Algérie, je ne mesure pas les conséquences, surtout quand je suis convaincu de l'effondrement de l'éthique professionnelle et patriotique de la nation algérienne et que je vois que les principes défendus par la Révolution foulés aux pieds», déclare Benhadid. Il rappelle son engagement dans la Révolution dès l'âge de 17 ans, son parcours sans faille durant la construction du pays, mais surtout tout au long des années 1990, où il a eu à diriger des opérations antiterroristes à travers plusieurs régions du pays. «Pour ces raisons, je reste attaché à des principes ancrés, que je défends à chaque fois que j'ai le sentiment que le pays est en danger et que la République, que les martyrs ont voulu démocratique et populaire, commence à s'effondrer devant moi. Cela me pousse encore une fois à maintenir mes déclarations (…). Les propos que j'ai tenus en 2015 ont trait aux dangers qui commençaient à guetter le pays, notamment les équilibres au sein de l'Etat, à travers cette gestion qui ne construit pas les institutions algériennes et qui me pousse à ne jamais garder le silence, à ne pas renier mes principes pour lesquels j'ai consacré ma vie au service du pays», révèle le Prévenu. Et d'ajouter : «J'ai été humilié en tant qu'officier supérieur, sans aucune considération pour les principes, la morale et le patriotisme, alors que j'ai servi mon pays avec fidélité, comme beaucoup d'autres camarades. En me traitant de manière abjecte, c'est l'institution militaire qu'on a humiliée. Après la mise sous mandat de dépôt de mon fils, et juste après avoir quitté l'audience, j'ai été encerclé en pleine autoroute par une section commandée par la Gendarmerie nationale, puis kidnappé en dépit de mon âge avancé et de mon état de santé, pour être conduit au quartier général de Bab Jdid, entendu durant plus de 30 heures et mis en détention à 23h30. Ma détention pendant 300 jours, ma mise sous contrôle judiciaire à ce jour, n'ont fait que donner une mauvaise image à notre armée et à l'Etat de droit. Cela n'a fait que me convaincre à rester attaché à mes propos. Pour moi, et pour tout citoyen, c'est un devoir de le faire. La critique et son acceptation constituent la base de l'avancée des peuples et du renforcement des libertés (…)», note Benhadid. Il revient à son affaire et déclare : «Le haut commandement l'a jugée d'atteinte au moral des troupes, alors qu'en réalité mon intervention était en parfaite adéquation avec le discours du président de la République de 2012 à Sétif. Moi-même j'ai donné l'exemple, en laissant la chance aux jeunes officiers, patriotes et compétents, à travers mon départ à la retraite à l'âge de 52 ans, après 35 ans de service.» Pour Benhadid, sa génération a aidé à «la formation de tous ces jeunes de l'après-indépendance, axée sur la fidélité et l'exemplarité vis-à-vis de leur hiérarchie, dans le but de les voir un jour au commandement et non pas avec des ambitions détruites et poussés à quitter prématurément leur carrière militaire au détriment de la rentabilité et de la compétence». Pour ce qui est de la consultation en matière de prise de décision, explique Benhadid, «j'ai dit qu'elle évite les dérapages et l'égoïsme qui, malheureusement, ont pris le dessus sur la gestion des affaires publiques et particulièrement au sein de l'armée (…). Chaque jour, les citoyens voient les dépassements de certains responsables qui refusent toute critique constructive ou débat objectif de leur manière de gérer, au point de donner l'impression qu'ils gèrent leur bien privé en se disant : ''Après moi, le déluge.'' Ils ont promulgué la loi sur l'obligation de réserve pour faire taire tous ceux qui tentent de dévoiler leurs dérapages et fermer définitivement tout débat au sein de l'institution (…). De par ma carrière militaire et de mon devoir national, j'ai exprimé une position qui reflète ce que je crois être nécessaire pour renforcer le pays et le protéger de tous les défis auxquels il est confronté. Je ne crois pas qu'un homme comme moi puisse avoir comme objectif de porter atteinte au moral de l'armée ou de ses troupes (...)». A la fin de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré sous quinzaine, et jeudi dernier, le tribunal a prononcé une peine d'un an de prison avec sursis, assortie d'une amende de 20 000 DA, alors que les avocats ont pris la décision d'introduire un appel contre cette condamnation.