Les avocats ont récusé le chef d'inculpation d'"outrage à corps constitué", leur mandant ayant évoqué l'ANP en tant qu'"institution de la République". Après plusieurs renvois, le procès du général à la retraite, Hocine Benhadid, s'est enfin tenu, jeudi, au tribunal de Sidi M'hamed, à Alger. En dépit des arguments de la défense et de l'accusé, le parquet a requis une année de prison ferme contre M. Benhadid, poursuivi, sans plainte préalable, pour outrage à corps constitué. Le tribunal, qui a mis cette affaire en délibération, a, quant à lui, renvoyé le verdict au 22 mars prochain. Lors de la séance de jeudi qui a duré 2 heures, ses avocats Khaled Bourayou, Mustapha Bouchachi et Bachir Mechri ont développé des plaidoiries remarquables. Ils ont notamment dénoncé le fait que leur client soit accusé d'outrage à corps constitué, en référence à l'ANP, dont il avait critiqué la gestion en 2015. Or, insistent les avocats, l'ANP est une institution de la République et non pas un corps constitué. Ce qui suppose, comme il est stipulé dans l'article 144 du code pénal brandi par la justice, le dépôt d'une plainte préalable par la partie concernée. Cependant, relèvent les avocats de la défense, dans le cas Benhadid, c'est le ministère public qui s'est autosaisi pour le poursuivre pour outrage à l'ANP sans que le ministère de la Défense nationale dépose plainte. "Pourquoi alors le même ministère public n'a-t-il pas fait de même concernant les nombreux scandales dans lesquels sont impliqués bien de hauts fonctionnaires ?" s'est interrogé en audience Me Bouchachi, qui regrette que "ce pays fonctionne encore et toujours avec des coups de téléphone". Même son de cloche chez ses deux confrères, Bourayou et Mechri, qui ont, eux, rappelé dans la foulée de leurs plaidoiries la condamnation, au titre même de l'article 144, du journaliste Mohamed Talmat qui a fini par périr en prison... "Monsieur le président, voulez-vous que ce malheureux fait se reproduise une fois de plus dans ce même tribunal ?" ont-ils, en effet, demandé au juge, non sans dénoncer une "violation du code pénal". Ils reprochent également au parquet d'être "juge et partie". Les avocats ont précisé, au passage, que conformément à l'article 144 du code pénal, "la mise en œuvre spontanée de l'action publique ne peut se faire qu'en cas d'offense au chef de l'Etat ou au Prophète (QSSL)". Ce qui est loin d'être le cas pour Benhadid qui, relèvent-ils, n'avait fait que critiquer la gestion de l'institution militaire à travers ses déclarations tenues sur les ondes d'une radio. Lors de son arrestation, en octobre 2015, faut-il le rappeler, le général Benhadid avait été, initialement, accusé de "participation à une entreprise de déstabilisation de l'institution militaire". Ce délit a été requalifié en "outrage à corps constitué", après sa mise en liberté provisoire, en juillet 2016, pour des raisons de santé. Il avait ainsi purgé plus de 300 jours à la prison d'El-Harrach, alors que son fils, poursuivi pour port d'arme sans autorisation, avait écopé, durant la même année 2015, d'une année de prison avec sursis et d'une amende de 50 000 DA. Appelé à la barre, le général Benhadid, âgé de 74 ans, a répondu au juge qu'il n'avait fait que formuler une critique constructive sur la gestion de l'institution militaire au sein de laquelle il a passé l'essentiel de sa vie et que son objectif n'était autre que de "sauver cette institution et, par ricochet, le pays (...)". Tout comme il a lu une longue lettre qu'il remettra par la suite au juge, dans laquelle il a exprimé son engagement pour "l'intérêt du pays". Sauf grande surprise, le verdict de la justice sera favorable à M. Benhadid, d'autant que sa défense mise sur sa relaxe, voire son acquittement. Farid Abdeladim