Le président Bouteflika s'est réveillé. Son discours inaugural de la rencontre gouvernement-walis, la semaine dernière, a été l'occasion d'une intifadha contre l'évolution en cours de l'économie algérienne. Persistance de la dépendance vis-à-vis de la production d'hydrocarbures, « il a suffi d'une baisse de 2% dans la production du gaz naturel pour que la croissance économique du pays s'effondre ! » ; abandon des ambitions industrielles du pays, « c'est trop facile de dire de nos complexes construits au prix fort dans les années 70 que c'est de la quincaillerie bonne pour la casse » ; oubli des investissements de recherche et développement, « plus personne ne parle de cela en Algérie ». Seul problème au tableau, c'est qu'il ne s'agit plus de l'orientation d'un ancien pouvoir en place que le Président a mis ainsi au pilori, mais tout simplement la sienne et celle de son équipe depuis sept années successives. Réveil vaporeux ? Passons. Est-il encore temps d'avoir d'autres ambitions que celle d'être un exportateur de ressources énergétiques et un importateur de pauvreté, selon le bon mot de Ahmed Benbitour ? La présentation de la nouvelle stratégie industrielle proposée par un ministre qui a combattu le concept même durant longtemps a été un peu comme l'annonce de la nouvelle politique américaine en Irak renvoyée à après les fêtes de fin d'année. Définition de branches prioritaires, des modes de soutien à l'activité ciblée par l'Etat, de recettes de reconquête de parts de marché pour les entreprises publiques, de démarches de transferts de technologies sans privatisations systématiques, de programme de mise à niveau de la ressource humaine, de meilleures utilisations des avantages concurrentielles et de modernisation des managements : le rapport du département de Temmar ne va pas réinventer le monde. D'autant qu'il a un consistant retard à l'allumage. La diversification de l'économie algérienne pour devenir compétitive hors les hydrocarbures est déjà en route. Ce n'est pas l'Etat qui décide du tour qu'elle prend mais le marché. Cela au moins c'est l'Etat qui l'a voulu. La « re-spécialisation » de l'économie algérienne se précise. Elle s'appuie à outrance sur l'avantage concurrentiel « énergie ». Cela n'a jamais été décidé de manière solennelle par un document stratégique public. Mais tous les mois, des investissements étrangers se négocient sur la base d'une fourniture d'énergie domestique à prix cassé. C'est le cas dans la sidérurgie avec Mittal Steel, dans la production d'électricité avec Snc Lavalin ou Siemens, dans le dessalement d'eau de mer avec Ionics, dans la production d'engrais avec les espagnols de Fertiberia. Les flux d'affaires ne sont pas orientés par une politique publique d'incitation. Conséquence, l'Etat constate les dégâts a posteriori. Sans pouvoir plus. Et le mouvement de menton de Hamid Temmar, le ministre des Participations et de la Promotion des investissements la semaine dernière devant Thierry Breton, le ministre français de l'Economie, au sujet de l'absence des investissements des constructeurs automobiles français en Algérie alors qu'ils sont présents en Tunisie et au Maroc où ils vendent beaucoup moins de voitures, n'a illusionné personne. Ce sont les autres qui redessinent la place du pays dans la redistribution des spécialisations économiques mondiales. L'Algérie a renoncé à le faire de trop longues années. Nous ne voulons plus vendre que du pétrole et du gaz ? Très bien ; alors nous vendrons de l'électricité produite à bon prix grâce au gaz. Nous ne voulons pas traîner comme un boulet notre industrie mécanique ? Les français de BTK viennent de reprendre la filiale carrosserie de la SNVI à Tiaret. Ce n'est pas la partie la plus technologique de la chaîne de valeur. C'est le maillon auquel nous pouvons nous connecter avec l'extérieur. Ainsi se construit la nouvelle carte industrielle du pays produits primaires, activité fortement utilisatrice d'énergie, segment de production sans enjeux technologiques. L'extension annoncée de Danone vers la biscuiterie et l'eau minérale ne fait que le confirmer : pendant longtemps encore l'attractivité algérienne s'appuiera sur un marché domestique important. Bien loin des ambitions d'exportations hors hydrocarbures. Peut-être encore que la seule politique industrielle qu'il est encore temps de mener est celle d'influencer à la marge les plans d'investissements du partenaire monde.