Docteur Abderrahmane Mebtoul expert international Les décisions prises par l'Opep lors des dernières réunions de baisser sa production de pétrole de 4,2 millions de barils/jour depuis le début de l'année 2008 (occasionnant par là un manque à gagner pour l'Algérie d'environ 5 milliards de dollars), n'ont pas réussi à hausser les cours qui avaient atteint le pic de plus de 147 dollars le baril. L'histoire pétrolière mondiale nous enseigne que si en temps normal les interventions de l'Opep pour maintenir les cours connaissent un certain succès, ce n'en est pas le cas en temps de crise. Dans cette présente contribution, j'analyserai les fondamentaux pour ensuite voir les différents scénarios de l'impact sur l'économie algérienne dépendante actuellement essentiellement de ses ressources en devises des hydrocarbures pour 98%. I-Les fondamentaux du cours du pétrole 1. Raison fondamentale : la décroissance de l'économie mondiale Les diagnostics des institutions internationales de mars et avril 2009 montrent que la crise mondiale est sans pareil depuis la seconde guerre mondiale ,touchant tous les pays développés et émergents, que la croissance mondiale sera certainement négative en 2009 et serait proche de 0% en 2010. Comme après une grave maladie, la convalescence durera de longues années, au minimum jusqu'en 2013/2015 si les thérapeutiques s'avèrent efficaces, et donc qu'une légère reprise soit effective début 2011, pour que l'économie mondiale retrouve son ancien niveau. Or c'est un élément déterminant de la demande d'hydrocarbures, notamment des quatre premiers consommateurs d'hydrocarbures dans le monde les USA, la Chine, le Japon et l'Europe en décroissance. Le dernier rapport de l'Institut mondial d'énergie montre une décroissance de la demande d'hydrocarbures d'au moins 3 millions de barils par jour par rapport à 2008 et l'AIE table sur une baisse de 2,4 millions de barils/jour.. 2.Si l'on excepte les tensions géopolitiques, notamment au Moyen-Orient, le deuxième facteur est que les plus grands pays producteurs depuis 10 ans ne sont pas ceux de l'Opep qui ne commercialis sur le marché mondial en moyenne depuis la réduction que moins de 40%, plus de 60% se faisant hors Opep. Et avec ces baisses successives, sous réserves du respect des quotas, ce qui n'est pas évident, il est à craindre des pertes de part de marché allant vers moins de 30/35% au profit notamment des pays hors Opep qui combleront la différence dont notamment la Russie et surtout l'Irak, actuellement hors Opep, deuxième exportateur mondial après l'Arabie saoudite. Quant à la Russie, sa position durant cette crise est ambiguë ayant besoin de financement, (sa rivalité avec l'Arabie saoudite étant connu), Gazprom ayant une stratégie d'internationalisation différente de celle de l'Opep ne veut pas perdre des parts de marché. 3.Le troisième facteur, les réserves américaines, (y compris les stocks) et la déflation, a enlevé à l'or noir son attrait de placement refuge, et les spéculateurs, par la revente, ont contribué à affaiblir les cours. Il est admis actuellement que les cours passés en dessous des 100 dollars étaient dus à des bulles financières et ne représentaient pas les fondamentaux. 4.Le quatrième facteur, souvent oubliée, est que l'on assiste à un changement certes lent , mais notable, du nouveau modèle de consommation énergétique horizon 2015/2020, lié au nouveau défi écologique, certains investisseurs anticipant ce changement inéluctable. La nouvelle politique énergétique américaine sera déterminante vis-à-vis de l'évolution du cours du pétrole. Certes cela demandera du temps mais ce nouveau modèle de consommation est inéluctable étant freiné transitoirement par les lobbys pétroliers. Car tant les nouveaux programmes d'aide à l'investissement misent sur à la fois sur les économies d'énergie et les énergies alternatives, notamment pour le transport et la construction, le programme du nouveau président US étant de mettre fin à la dépendance énergétique en pétrole des Etats-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient, donc de l'Opep d'ici à 10 ans /20 ans. Ce, d'autant plus que les réserves de pétrole/gaz ne dépasseront pas 40/50 ans pour certains pays comme l'Algérie le pic entre 30/40 ans, les réserves de charbon (avec recyclage du CO2 étant de plus de 200 ans ), ce pic étant fonction du cours directeur du pétrole, un gisement étant rentable à 100 dollars est abandonné à un cours de 50 dollars, l'important n'étant pas les découvertes mais la rentabilité financière du gisement. 5. Enfin le cinquième facteur est l'évolution du cours du dollar, représentant 60% des transactions mondiales, dont est libellé le cours du pétrole, sa dépréciation étant un manque à gagner y compris les réserves de change et les bons de trésor en dollars avec la politique des banques centrales dont le taux d'intérêt est proche de zéro, et le risque d'un retour à l'inflation. Car, à la déflation actuelle, (baisse des prix, chômage, récession) le risque avec l'envolée des dépenses publiques, c'est le retour à la stagflation (hausse des prix, chômage, récession) en cas d'inefficacité de ces dépenses publiques. Face à cette situation, les pays de l'Opep parlent d'un prix d'équilibre entre 75/80 dollars le baril (le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole mais avec une valeur pour la même quantité physique de moitié (50%) rendant non rentables certains projets comme les GNL et certaines unités pétrochimiques qui connaissent une crise au Moyen-Orient. En précisant qu'un cours du baril à 50 dollars en 2009 équivaut à moins de 30 dollars au cours de l'année 2000. C'est cette crainte à la baisse ou du moins à la stagnation du cours du pétrole qui explique la cacophonie actuelle entre les différentes déclarations de certains ministres du pétrole membres de l'Opep, chacun ayant ses propres prévisions. Il s'agit d'éviter des discours contradictoire, qui sont préjudiciables à l'organisation qui risque d'avoir de moins en moins d'impact sur le cours des évènements. La modestie étant le commencement de la sagesse, méditons ces analyses pertinentes de grands experts pétroliers de plus en plus nombreux, notamment les présidents des Instituts français et américain du pétrole qui viennent de déclarer récemment qu'il " est utopique de vouloir donner des estimations futures précises sur le cours du pétrole du fait de l'incertitude de l'économie mondiale". (1) II- Impact sur l'économie algérienne Les défis qui attendent l'Algérie entre 2009/2014 sont immenses face à la crise mondiale, le système financier sclérosé étant déconnecté (pas ou peu d'impact) mais indirectement, étant concernée car dépendante de 98% de ses recettes en devises et pour plus de 90% de son plan de financement des hydrocarbures. Un cours entre 40/45 dollars donnerait moins de 30 milliards de dollars de recettes pour Sonatrach et entre 55/60 une recette 40 milliards de dollars, montant auquel il faudrait soustraire environ 15 milliards de dollars d'autofinancement de serait Sonatrach et 5 milliards de dollars pour Sonelgaz entre 2009/2013 laissant au rythme des dépenses actuelles et de la nouvelle stratégie du gouvernement (autofinancement public dominant), au vu des réserves de change d'environ 140 milliards de dollars, et d'un stock de la dette inférieur à 5 milliards de dollars des tensions budgétaires devant se manifester au cours de 50/55 dollars courant 2011 début 2012, et pour un cours de 40/45 dollars fin 2010, début 2011. Dans ce contexte permettez-moi de relater un débat avec mes étudiants en ce mois d'avril 2009, où une question fondamentale m'a été posée : que sera l'Algérie dans trente ans, c'est-à-dire demain, avec une population qui approchera 50 millions d'habitants? lâ nous sommes en face à deux scénarios: 1er hypothèse : statut quo actuel -L'âge moyen de mes étudiants de fin d'année de licence étant d'environ 22 ans, ils auront alors 52 ans, et entre temps ayant une exigence comme tout Algérien âvoir un emploi, un logement, se marier et donc avoir des enfants, donc une demande sociale croissante. - Pour ceux qui travaillent actuellement, ils auront entre 60 à 70 ans et seront en retraite. -Forte probabilité d'épuisement des réserves de pétrole ( 25/30 ans) ainsi que celui du gaz (exportation plus consommation ) estimation entre 30/35 ans( plus de Ministère de l'énergie et des mines). - besoins croissants et de devises pour importer (suppression du Ministère de la solidarité nationale) avec le risque d'implosion des caisses de retraite. -donc pas d'attrait de l'investissement et chômage croissant. - tensions sociales et instabilité politique à l'instar des pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne et risque d'intervention de puissances étrangères. 2ème hypothèse : les conditions pour le développement de l'Algérie Gouverner étant prévoir, toute la gestion politique et économique future sera de préparer la période après-hydrocarbures dont le développement devra se fonder sur les piliers du développement du XXIe siècle, tenant compte du nouveau défi écologique : -la revalorisation du savoir, l'Etat de droit et une nouvelle gouvernance par la réhabilitation du management stratégique politique, de l'entreprise et des institutions, par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l'Etat régulateur. -éviter l'instabilité juridique, le manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique, la corruption qui s'est socialisée en Algérie, démobilisant toute énergie créatrice, et une lutte contre la bureaucratie dont la sphère informelle en est le produit reflétant un Etat de non-droit. -favoriser le dialogue économique et social évitant la concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives destructrices de richesses. -garder une partie de la rente pour les générations futures. - mettre en place un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur les énergies renouvelables. -promouvoir des segments en réhabilitant l'entreprise, dans un environnement concurrentiel, loin de tout monopole, seule source de création de richesses permanentes dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux car évoluant au sein d' une économie mondiale de plus en plus ouverte , donc des allocations ciblées d'investissement. En fait, il s 'agira de gérer, loin de la logique rentière des périodes passées mue par la dépense monétaire,via la dépense publique, sans se préoccuper de la maîtrise de la qualité et des coûts, l'impact économique et social n'ayant pas été proportionnel aux dépenses depuis l'indépendance politique à nos jours, si l'on veut atténuer des tensions sociales de plus en plus criardes et donc le scénario catastrophe de la première hypothèse . (1) Interview du docteur Abderrahmane MEBTOUL éxpert international en Energie à la radio algérienne chaîne III le 13 avril 2009 suite aux dernières publications internationales sur la baisse de la demande mondiale de pétrole.