Depuis le 7 août 2016, date de l'officialisation du divorce d'avec l'ex-partenaire indien, Lakshmi Mittal, le complexe d'El Hadjar est au bord du précipice financier (104 milliards de dinars de dettes), dépouillée de son élite managériale, amputée de plus des deux tiers de ses effectifs et incapable de franchir le 1/10 de ses capacités de production. Ces dernières semaines, d'autres graves séquelles du management à la Mittal sont apparues sur les vastes gisements miniers de Boukhadra et Ouenza (Tébessa), dont l'ex-partenaire pouvait disposer à sa guise en vertu des titres miniers lui ayant été octroyés et qui avait initialement valeur d'actifs jusqu'en 2019. La surexploitation de ces deux mines, totalisant une capacité de production annuelle de deux millions de tonnes, le king de la sidérurgie mondiale les a transformées en un gruyère géant du fait de l'absence d'un quelconque investissement, pourtant contractuellement garanti au moment de la reprise du complexe en 2001. Aujourd'hui, la productivité de Boukhadra et Ouenza, dont les réserves prouvées et expertisées n'est plus ce qu'elle était, et le complexe sidérurgique s'en retrouve sérieusement affecté. Pour Ouenza, à 120 km d'El Hadjar, la dernière évaluation établie en 2006 par l'aciériste indien, alors propriétaire de 70% du capital de feue ArcelorMittal Tébessa, font état de près de près de 50 millions de tonnes (MT) dont 42 à ciel ouvert, l'ensemble réparti sur 7 quartiers, avec une moyenne de teneur se montant à plus de 50,3 %. Pas seulement: «Le patrimoine minéralogique de la région d'Ouenza est très riche et varié: fer, gypse, barytine, quartz, azurite, malachite, fluorine, calcite, aragonite...», se réjouissait l'aciériste indien dans un document remis à notre rédaction par le syndicat d'entreprise Sider El Hadjar. S'agissant de Boukhadra, le même document fait ressortir la présence de réserves géologiques dépassant les 48,8 MT et une teneur en fer avoisinant les 55 %. A cette époque, l'ex-partenaire avait annoncé la «mise en place à brève échéance d'un ambitieux plan d'action pour atteindre l'harmonisation de l'exploitation des deux mines». Un «pur mensonge», s'offusque Chawki Benramoul, responsable syndical chargé des conflits : «C'est d'abord à la PMA, le premier maillon de la longue chaîne de production d'acier que se traite le minerai de fer issu d'Ouenza et de Boukhadra, pour obtenir de l'agglo. Cette matière dont a besoin le haut fourneau (HF) pour la production de la fonte liquide destinée aux trois aciéries du complexe, l'aco1, pour produire les brames, l'aco2, pour fabriquer des billettes destinées aux laminoirs d' où s'obtient le rond à béton, et enfin l'aciérie électrique, qui produit des lingots pour les besoins de la tuberie sans soudure (TSS)», explique M. Benramoul. Pour notre interlocuteur, également cadre à la PMA, avant de quitter l'Algérie, l' ex-propriétaire d'El Hadjar, non sans la complicité indirecte de nos compatriotes, avait veillé à détruire les deux mines, en les dépouillant des gîtes les plus riches en fer. Prévisibles, les prolongements des effets de cette surexploitation se font de plus en plus lourdement sentir : «Les approvisionnements d'El Hadjar en minerai 010 issu des deux sites de Tébessa ne sont plus les mêmes, aussi bien en termes de quantité que de qualité. Les besoins de la PMA s'élèvent à 6333 t/j. Or, aujourd'hui on ne reçoit que 4000t/j, soit un déficit de 2333t/j. Pis, la teneur en fer est très faible, à peine 38 à 44 %. Alors que la PMA a besoin d'un minerai plus riche en fer (au moins 50 à 55 %). De 2004 à 2015, le minerai fourni à la PMA était d'une teneur pouvant aller jusqu'à 63 %. Idem pour la quantité : les besoins journaliers s'élèvent à 4 rames de minerai à raison de 24 wagons/ rame. Aujourd'hui nous en sommes à deux rames et très souvent à zéro rame. Nous avons actuellement un stock de 60 000 t qui peut tenir une dizaine de jours. Après on ne sait plus quoi faire. Cette situation est due aux manquements de Mittal à ses engagements contractuels en matière d'investissements sur les deux sites miniers. Elle est également imputable au laisser-faire et laisser-aller des Algériens». Des objectifs difficiles à réaliser Partant, les objectifs arrêtés pour 2018 (850 000 tonnes) ne pourraient être atteints, malgré les pics de 3400t/j de fonte réalisés au cours des premiers mois. Une réalité qui va à l'encontre des déclarations faites il y a quelques jours par Hicham Bamoun, dirigeant le département des relations publiques à Sider El Hadjar, lors de la cérémonie d'installation de Lakhdar Ouchich, nouveau P-DG du Groupe Sider en déclarant : «Le complexe devrait dépasser le seuil de 1,2 MT/an d'acier commercialisable, et ce, dès le début de 2019.» D'autant que, précisait-il, «la seconde partie du plan d'investissement et de réhabilitation du complexe est en cours de réalisation». Or, à en croire Noureddine Amouri, SG du syndicat d'entreprise Sider El Hadjar, l'enveloppe nécessaire à la mise en œuvre de cette seconde phase n'a toujours pas été débloquée par l'Etat : «La première phase du plan d'investissement de 720 millions, la ‘‘Brown-Field'' pour la réalisation de laquelle ont été mobilisés 340 millions $ est presque terminée : le HF, rénové à 85 %, la PMA, à environ 97 %, l'aciérie à oxygène Aco1, à 60 %, la logistique, à 40 %. En somme, la zone chaude a bénéficié des plus gros investissements. Pour la seconde phase, dite la ‘‘Greenfield'', axée, en priorité sur les unités de production de produits longs et plats, laminoir à chaud (lac), laminoir à froid (laf) et laminoir rond à béton (lrb). Les études y afférentes sont fin prêtes. Nous attendons que les pouvoirs publics débloquent les financements nécessaires qui sont désormais de l'ordre de 250 millions de dollars, au lieu des 380 millions initialement prévus. La dévaluation continue du dinar nous a fait perdre 150 millions de dollars, un sérieux problème susceptible de compromettre la concrétisation de ce qui reste du programme ‘‘Greenfield'', conformément au plan d'investissement», s'inquiète M.Amouri. Ainsi, le projet de réalisation, plus de 140 millions de dollars, d'une nouvelle cokerie, vitale pour le complexe -le dossier en cours d'étude au niveau du ministère de tutelle et du Groupe Imetal- pourrait ne pas voir le jour de sitôt. Cette unité, toujours d'après M. Amouri, qui avait, pour les besoins de sa réhabilitation, bénéficié, en 2010, d'une enveloppe de 90 millions de dollars, octroyée par l'Etat algérien, alors que la majorité des actifs du complexe (70%) était à cette époque entre les mains d'ArcelorMittal, sera définitivement fermée la même année: «Après la grève de 11 jours (janvier 2010, les pouvoirs publics, avaient débloqué 90 millions $ pour, en quelque sorte, acheter la paix sociale au complexe. L' enveloppe devait être destinée la rénovation de la cokerie, exigée par les travailleurs grévistes. Or, tout cet argent n'aura finalement servi à rien. L'on ne sait toujours pas où sont partis ces 90 millions de dollars, puisque l'unité avait fini par être fermée par l'ex- propriétaire. Et les motivations étaient évidentes : faire du complexe, c'est-à-dire de l'Algérie, un client attitré de ses usines en Espagne ainsi que des cokeries chinoises. Depuis 2010 à ce jour, une moyenne de 8 navires d'une capacité allant de 47 000 à 51 000 t/ navires de coke sont annuellement importés pour un coût oscillant entre 20 et 24 millions de dollars. Pourtant, notre coke était de meilleur qualité», s'indigne le SG du syndicat d'entreprise Sider El Hadjar. Il en est de même pour la centrale thermique: «Cette centrale thermique produisait de l'électricité pour le complexe. Jusqu'à 2005-2006, elle assurait une autosatisfaction en énergie. Mieux, nous étions en mesure de vendre de l'énergie à nombres de clients. Malheureusement, elle sera, à son tour, fermée par les Indiens pour de prétendus travaux de rénovation. Avaient, à cet effet, été dépensés environ 10 millions de dollars. Or, en fait de rénovation, il n'en fut rien. L' on s'était contenté de changer quelques pièces et elle n'a pas pu redémarrer. Le revamping par des Allemands ou des Français est prévue dans la seconde phase du plan d'investissements», abondera Noureddine Bahi, cadre exerçant à l'ACE et chargé de communication au syndicat d'entreprise.