Benyoucef Mellouk, l'homme qui a révélé, en 1992, le dossier des « magistrats faussaires » a été approché par d'importants acteurs de la Révolution algérienne. Le contact s'est effectué par l'intermédiaire d'un fils de chahid, a-t-on appris, hier, auprès de M. Mellouk. L'émissaire parle au nom d'influents officiers supérieurs de l'ALN, parmi eux les colonels Ahmed Benchérif et Mustapha Abid, ainsi que le commandant Lakhdar Bouragaâ. « J'ai reçu deux hommes pendant plus de quatre heures, chez moi à Blida. Nous avons passé en revue le dossier concernant les faux moudjahidine. Au cours de l'entrevue, ils ont pu voir les documents que je détient à mon niveau », révèle l'ancien fonctionnaire du ministère de la Justice. Selon Benyoucef Mellouk, l'émissaire a « longuement » évoqué la volonté des « historiques » de l'ALN de nettoyer les rangs des moudjahidine qui ont été souillés, rappelle-t-il, par l'intrusion de faux combattants. « Ils sont sur le point de créer un cadre pour pouvoir travailler en toute légalité. Ils m'ont demandé de les rejoindre. J'ai dit oui, car il est question de composer avec des responsables de la révolution auxquels je voue un grand respect », a-t-il ajouté. Benyoucef Mellouk tient toutefois à rappeler ses « principes immuables » : « Je ne remets aucun document concernant les faux moudjahidine qu'à condition que la séance soit publique et couverte par la presse. C'est ce que j'ai dit à mes interlocuteurs. » Contacté, Mustapha Abid, colonel de la Wilaya historique V, confirmant les dires de Benyoucef Mellouk, indique : « Effectivement, nous sommes en train de réunir toutes les conditions afin d'aboutir à un espace légal et transparent. Notre objectif ne se limite pas seulement à débusquer les faux moudjahidine mais à appeler aussi à l'assainissement d'autres secteurs. » Licencié de son poste de chef de service du contentieux au ministère de la Justice, Mellouk fera deux fois de la prison pour avoir osé dénoncer les faussaires. Aujourd'hui il affirme détenir 132 dossiers qui concernent des « magistrats faussaires » ainsi qu'une liste de 328 noms dont les dossiers ont disparu, « bien que j'en avais fait part, en 1992, au juge d'instruction de la cour d'Alger », souligne-t-il. En 2004, le ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbès, a reconnu l'existence de 10 000 faux maquisards. Un chiffre révélé pour la première fois par un officiel même s'il semblait « dérisoire », selon les observateurs.