Un mouton bêle. Un politicien palabre. L'un comme l'autre s'exprime ; dans une wilaya où l'on a du mal à accorder ses violons. Il existe des spécialistes qui déchiffrent le cri de l'un et le discours de l'autre. Deux antagonistes que tout sépare, mais qui, dans cette foire d'empoigne, se rejoignent, comme dans une alliance politicienne : l'entêtement. L'homme continue à pondre des lois pour empêcher l'ovin d'aller se faire immoler au royaume de sa majesté. Et l'instruction ministérielle est là pour l'en dissuader. L'« eau-vin » refusant obstinément de se faire encorner dans son pays, continue, lui aussi, à sautiller en direction du territoire chérifien. Et ses déjections sont là pour nous rappeler un tracé frontalier qui n'existe que dans l'esprit des bureaucrates. Et l'homme, qui n'est ni l'ovin, ni le politicien, ce simple citoyen qui s'évertue à transporter son mouton de Ouled Mimoun parce que coûtant moins cher que chez lui, dans les communes de la bande frontalière, a intérêt à déclarer son animal au carrefour 35, ces nouvelles frontières, depuis l'introduction du passavant. Le cas contraire, les deux quadrupèdes sont embarqués pour avoir enfreint la loi. Le mouton est saisi et le citoyen incarcéré avec une forte amende pour contrebande. Tandis que sur le tracé frontalier invisiblement visible, des troupeaux d'ovins et de… bovins enjambent les barrières avec escorte et tintamarre. C'est-à-dire comme ces politiciens en visite de travail, qui traversent nos rues pavoisées. La solution de cet imbroglio sociopolitique, enfin : le citoyen doit faire comme ses pairs, de la politique. L'ovin doit changer de partenaire, s'isoler du citoyen, s'allier au politique et voyager en groupe. Le nombre rapporte plus et assure l'immunité. Enfin… Bonne fête de l'Aïd, malgré l'ovin fugueur et le politicien immunisé contre… les maladies aphteuses !