Ça devait arriver et c'est finalement arrivé. L'Apprenti a rejoint son inspecteur Tahar là où il était. Maintenant que le duo qui avait fait rire toute l'Algérie est à nouveau réuni, il ne reste plus aux survivants qu'à pleurer. Car s'il est une constatation à faire dès qu'un acteur populaire meurt, c'est celle de la triste situation du cinéma algérien. Mis à part les quelques comédies sans consistance véritable et les films d'Algériens qui sont produits ailleurs, il n'y a pas grand-chose à voir. L'Algérien est ici à son point de fuite ; consommateur vorace d'images étrangères qui ne lui sont à l'origine pas destinées, il peine à trouver les siennes, se retrouvant seul dans un immense jeu international de miroirs faussés. Son cinéma est absent, et quand il est là il crée de l'image destinée à l'exportation. Quand ils ne sont pas morts, les grands photographes algériens ne font plus d'images ailleurs que pour l'actualité immédiate à usage de consommation rapide et à de rares exceptions, les peintres algériens font à peu près tous la même chose, c'est-à-dire des tableaux techniques et colorés destinés avant tout à décorer les murs des logements AADL. Restent quelques caricatures et dessins de presse qui traînent dans des univers d'aveugles, comme celles de l'inamovible Dilem déjà en pré-retraite ou ceux du talentueux Nassim qui peine à s'affirmer dans le quotidien Le Jour. Où sont les images ? A défaut de nouvelles, on préfère re-projeter les anciennes en boucle. La Bataille d'Alger tourne de nouveau dans les salles d'Alger, qui elle-même a déjà perdu la bataille des images sur un champ d'éternels sentiments de déjà vu. Quand on n'arrive pas à créer ses propres images on reste apprenti. Comme Yahia Benmabrouk qui n'est jamais arrivé de se défaire de son premier rôle. Pour les Algériens, il restera toujours l'Apprenti.