Face à l'oubli dont sont victimes les banlieues françaises, les jeunes fourbissent l'arme du vote. A quelques mois des échéances électorales de 2007, les partis politiques font la cour aux populations issues de l'immigration. Jamais les jeunes de banlieues, notamment celles qui vécurent les émeutes de 2005, ne se sont précipités aux mairies de leurs communes pour s'inscrire sur les listes électorales comme cette année. La hausse des inscrits aurait atteint 20 à 25% selon le ministère français de l'intérieur. L'implication de certaines vedettes issues de la banlieue, telles que Djamel Debbouz, Samy Naceri, Cali, Joe Starr et autres artistes semble avoir porté ses fruits. Le parti socialiste se réjouit de ce réveil banlieusard. Jack Lang, ancien ministre sous Mitterrand et actuellement conseiller de Ségolène Royal, a rappelé aux jeunes issus de l'immigration que « la victoire contre Sarkozy est en partie entre vos mains » et que le temps est venu « de chasser la droite par vos bulletin de vote ». Frédéric Dabi, directeur du département Opinion à l'institut de sondage IFOP, confirme, pour sa part, cette tendance. Il estime que désormais les « jeunes de banlieues sont plus proches de la gauche », après, notamment les insultes proférées à leur encontre par Sarkozy. Karim, 27 ans, travaille dans le centre des échanges vidéo d'une chaîne de télévision française. Pour ce Franco-Algérien, il n'y a aucun doute lors de ces élections. « Je voterai pour Ségolène Royal. Je le ferai à reculons, mais il faut barrer la route à Nicolas Sarkozy qui nous insulte à longueur de journée et qui cherche à faire croire que tous les maux de la France viennent de ses banlieues. » D'habitude, Karim n'est pas un fan des votes car « ils ne changent rien », mais cette fois ci « j'irai faire la queue comme tout le monde, rien que pour tenter de contrer le projet de Sarkozy ». Comme lui, sa collègue Hind, Franco-marocaine, 24 ans, assistante du chef d'édition, fera tout le nécessaire pour que sa maman puisse voter à sa place à Marseille. « J'ai fait une procuration à ma mère, c'est elle qui votera à ma place, mais selon mon désir, c'est-à-dire pour Ségolène, une femme comme moi ». Hind, diplômée de l'institut de sciences politiques de Paris a toujours voté pour la gauche « sans trop de conviction », « mais pour 2007, je sensibiliserai tous mes amis et ma famille d'aller voter contre Sarko ». Pour réconcilier les jeunes issus de l'immigration avec la politique, les pouvoirs publics ont mis en place des campagnes de sensibilisation. A Lille par exemple, des minibus font le tour de la ville pour inciter les jeunes à s'inscrire. Des radios diffusent des appels aux votes, appels relayés par des artistes connus jeunes et moins jeunes. Même Jacques Chirac, en personne, avait exhorté les jeunes à aller voter, en rappelant « que l'exercice du droit de vote est essentiel à la vitalité de la démocratie ». Les associations de quartiers et les antennes communales n'hésitent pas, elles aussi, à pousser les jeunes à demander leurs cartes de vote. Certaines leur prodiguent des conseils ou leur expliquent les lois qui régissent l'action du vote, d'autres les accompagnent carrément dans leurs démarches. A Lyon, selon Moustapha, un agent de proximité, « des queues incessantes ont été observées durant plusieurs jours devant la municipalité de Vaux en Velin et de Vénissieux ». Si le parti socialiste se félicite du comportement « politique et responsable » des jeunes de banlieues, la droite craint que tout cela ne se fasse à son détriment et que les voix aillent avant tout vers Ségolène royal. Pourtant, au ministère de l'Intérieur dirigé par Sarkozy, on veut bien tempérer les choses. « Certes, dans certaines communes, la hausse des nouveaux inscrits a atteint 25 à 30%, mais ce n'est pas le cas partout », a indiqué un fonctionnaire qui constate qu'on « est loin d'un ras de marée », comme l'affirme la gauche. Il y a quelques jours, Nicolas Sarkozy avait invité un millier de jeunes de banlieues pour « renouer le dialogue et enterrer la hache de guerre ». Mais personne ne sait si le discours tenu à cette occasion par le ministre français de l'Intérieur a été bien accueilli ou alors perçu comme une manœuvre politique. Une première chose est sûre, d'après Frédéric Dabi, responsable à l'institut de sondage Ifop, le PS a très fortement progressé dans les milieux musulmans. Il est passé de 44% à 55%. La deuxième évidence, c'est qu'il faut barrer la route au front national et éviter qu'il ne récidive son succès de 2001.