C'est un ministre « en colère » qui s'est exprimé mercredi dernier devant la presse étrangère. Invité par le club de la presse arabe, à deux jours du premier anniversaire des émeutes des banlieues de la région Ile-de-France, Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, s'est longuement exprimé sur les attaques médiatiques dont il fait l'objet et la difficulté d'être « un ministre issu de l'immigration algérienne, arabe et de culture musulmane d'entrer dans un gouvernement français ». Comme quoi même quand on est au plus haut de l'échelle sociale et qu'on a pris l'ascenseur social jusqu'au bout, on n'est pas à l'abri des discriminations lorsqu'on s'appelle « Mohamed » ou tout simplement « Azouz Begag ». Apparemment, le ministre en avait gros sur le cœur. « Le monde de la politique est cruel, difficile et hermétique. J'ai essuyé pendant de longues semaines, des mois, des questions insultantes. On me traitait d'"Arabe de service", d'"Arabe de Villepin" », a souligné Azouz Begag. Et d'ajouter que « c'est encore difficile même quand on est au plus haut niveau politique de faire état de ses talents, de ses compétences. J'ai écrit 40 livres, je suis chercheur au CNRS depuis 20 ans, je travaille sur les questions de l'égalité des chances, de l'intégration, de l'immigration depuis de longues années ». Et de s'interroger : « Est-ce que ce sont des Républicains qui veulent dire aux jeunes des banlieues que le ministre, qui assiste tous les mercredis au Conseil des ministres, n'est que "l'Arabe de service", "une caution". C'est cela la démocratie ? Ce sont des irresponsables. » Sémantique guerrière Sur les émeutes dans les banlieues, il y a un an, Azouz Begag a commencé par balayer toute idée de commémoration. « Il n'y a rien à célébrer. Célébrer 13 000 voitures volées ? Des écoles incendiées ? La violence ?. » Puis d'ajouter que « les journalistes feraient mieux de parler de ce qui a été fait pour les banlieues comme le Tour de France de la diversité auquel 10 000 entreprises ont participé ». « Il y a 20 ans, je disais si les autorités ne font pas l'ouverture sociale vers les banlieues, ils ne font pas entrer dans l'ascenseur social politique des enfants de banlieue, un jour, tous ces enfants vont sortir et ils vont brûler toutes les voitures. » Sur son désaccord avec le ministre de l'Intérieur sur la gestion sécuritaire de « la crise des banlieues », Azouz Begag affirme : « Quand je me suis opposé à une sémantique que j'ai qualifiée de guerrière, d'aucuns ont dit que j'étais téléguidé. » Il martèle que l'égalité des chances ce n'est pas l'intégration. « Depuis 1975, on nous remplit la tête de ce concept creux d'intégration. » Et aussi : « Je veux que cette égalité des chances soit une exigence personnelle. La nouvelle mentalité que nous sommes en train d'installer depuis 8 mois, c'est que chaque personne qui a le sentiment d'être dans une inégalité se dise : ‘‘Pourquoi pas moi'', et non ‘‘ce n'est pas pour moi''. Nous avons aujourd'hui soulevé un élan vers cette exigence. Tout est prêt pour fonder un pacte républicain. » Diversité « On n'a pas le droit de dire aux enfants qu'ils sont mort-nés quand ils habitent les banlieues. » « La diversité c'est une source de rentabilité sociale et économique. » « Qui peut s'opposer à cette diversité en marche, même Jean-Marie Le Pen se vante de faire de la diversité. » Sur le droit de vote des immigrés, il considère qu'« il faut donner des étapes à la démocratie », « à la participation », « si nous obtenons que les jeunes Français aillent voter plutôt que casser, retrouvent confiance dans le politique, nous aurons gagné ». Soit intégration pour les uns, égalité des chances pour les autres. « Je souhaite que les responsables des banlieues qui demandent à être reçus à l'Assemblée nationale et au Sénat soient candidats à ces institutions, c'est ce dont nous avons besoin. » Selon Azouz Begag, les prochaines législatives ne feraient pas entrer plus de six députés d'origine arabe ou africaine à l'Assemblée sur 577 députés (pour une population issue de l'immigration de plus de 15 millions de personnes en France). « Il faut que les appareils politiques s'ouvrent à la diversité. » Sur l'affaire des sans-papiers de Cachan : « J'étais très mal à l'aise. Je ne supporte plus que depuis 25 ans, à chaque élection majeure, le problème de l'immigration revienne, et quand on lui associe la sécurité tout est fait pour faire monter les extrémismes. La question de l'immigration est polluée par l'utilisation politique. » Relevant qu'ayant constaté que les trois quarts des jeunes de confession musulmane font le Ramadhan - il ne voit pas là une crispation identitaire, voire un risque d'appel de sirènes extrémistes pour certains - mais le constat de l'appartenance à une culture. Ce qui aux yeux du ministre n'a rien de contradictoire avec la citoyenneté française. « Le sentiment d'appartenir à l'histoire n'est pas contradictoire avec la citoyenneté française. Mes parents sont de Sétif. Je n'ai pas eu peur au moment de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 de dire que le 8 Mai 1945 c'était le massacre de ma famille. » « On est dans la construction identitaire. »