L'arrestation d'un voyageur sans ticket au métro Gare du Nord déclenche l'émeute. Mardi 27 mars. Station de métro Gare du Nord, un jeune homme accusé d'avoir resquillé est interpellé par des policiers. Il aurait agressé deux agents de la Ratp, Régie autonome des transports parisiens, qui ont tenté de le contrôler. Maîtrisé puis menotté par une patrouille des services de sécurité qui l'a dirigé vers un commissariat, son interpellation brutale est mal vécue par les jeunes gens témoins de l'arrestation. Cela a suffi pour mettre le feu aux poudres. Vitrines, magasins, distributeurs automatiques ont été la cible des jeunes émeutiers qui ont affronté dans un face-à-face d'une extrême violence les forces de l'ordre qui ont fait usage des bombes lacrymogènes. Un climat insurrectionnel qui a obligé les forces de l'ordre au bouclage du quartier. Le spectre des banlieues a soudainement ressurgi en plein coeur de Paris et de la campagne présidentielle française. Le nom du désormais ex-ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, présidentiable en puissance, a été sévèrement chahuté. Un événement à prendre sérieusement en compte dans la course à l'Elysée. D'ailleurs ces émeutes ont permis le premier choc entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal qui les ont directement affrontées, hier, sur le thème de la sécurité. Ces affrontements ont provoqué un échange de dures accusations entre le candidat du parti de droite UMP, et la candidate du Parti socialiste. Mme Royal a affirmé que ces heurts montraient «l'échec sur toute la ligne» de la droite en matière de sécurité depuis 2002. «Les gens sont dressés les uns contre les autres, ont peur les uns des autres», a ajouté la candidate socialiste. «Ce n'est pas la République». Le candidat centriste François Bayrou, a lui aussi accusé le candidat de l'UMP d'avoir fait de la police «uniquement une force de répression». Le candidat de la droite, M.Sarkozy, s'exprimant sur les ondes de la radio «France Info» a déclaré: «Est-ce une raison pour déclencher des émeutes? Nous sommes le seul pays où l'on considère qu'arrêter quelqu'un parce qu'il ne paie pas son billet, ce n'est pas normal.» Le mal est sans aucun doute beaucoup plus profond, il témoigne surtout de l'échec de la prise en compte non adéquate d'un phénomène: les banlieues. Force est de constater que lorsque l'on tire un peu trop sur la corde elle finit par se casser. Cette image symbolise nettement la fracture entre la classe politique au pouvoir et les jeunes des banlieues, en particulier ceux issus de l'immigration, en majorité exclus, marginalisés, désoeuvrés et livrés à eux-mêmes. Ils sont frappés d'ostracisme, comme leurs aînés qui, pour d'autres considérations, ont connu le racisme et l'exclusion. Une malédiction? Des concepts nouveaux sont apparus, des remèdes pour guérir le mal. Egalité des chances, citoyenneté, de vains mots dans la patrie des droits de l'homme? Les émeutes qui ont opposé des dizaines de jeunes aux forces de l'ordre à la station de métro Gare du Nord replace le malaise des jeunes en plein coeur du débat. La violence serait-elle devenue l'ultime arme pour faire entendre la voix de générations d'hommes et de femmes incarnée par la dernière d'entre elles qui ne veut plus s'en laisser compter. Qui ne se souvient du tandem Pasqua-Pandrau, maîtres absolus de la place Beauvau, Malik Oussekine, cet étudiant paisible et brillant traqué par une patrouille de voltigeurs, policiers en moto, matraque à la main, rappelant les tristement célèbres tontons macoutes de la dictature haïtienne, qui ont laissé sans vie ce jeune homme innocent traqué comme un bête dans une cage d'escalier d'une rue parisienne? Une bavure, a déclaré Pasqua. Ainsi a été qualifié ce triste événement par le ministre de l'Intérieur de l'époque, patron des services du SAC et de ses célèbres barbouzes. A l'automne 2005, la mort de deux jeunes Français d'origine maghrébine et africaine, avaient mis le feu aux poudres dans les banlieues les plus défavorisées de France où est concentrée la majorité des populations d'Afrique noire et du Maghreb. La France y a subi l'état d'urgence. Du jamais-vu depuis son instauration pendant la guerre de Libération nationale algérienne. Selon le bilan de la préfecture, quatre agents de la Rapt et quatre autres de la Sncf ainsi qu'un policier ont été légèrement blessés. Le ministre de l'Intérieur souhaite que «l'autorité judiciaire puisse au nom de la société apporter les réponses les plus adaptées...», à quelques encablures d'une échéance électorale où les Français vont faire leur choix. Politique d'immigration, malaise des banlieues, un fonds de commerce qui a fait depuis toujours les beaux jours des thèses populistes mais le retour de boomerang, qui n'est pas à écarter pourrait bien coûter le fauteuil de l'Elysée à ceux qui s'y voient déjà installés.