La tension persistante sur le front de la pomme de terre aura finalement convaincu les pouvoirs publics de la nécessité de se pencher sérieusement sur la question. Car après avoir annoncé la fin du calvaire pour la première quinzaine de novembre, qui correspond au début de la récolte de la pomme de terre d'arrière-saison, le ministre de l'Agriculture n'aura pas hésité à impliquer son collègue du Commerce. Lorsque dans ces mêmes colonnes, les opérateurs de la filière annonçaient la baisse de l'offre mondiale tout en soulignant ses conséquences sur la campagne en cours, ils se feront tout simplement brocardés, voire accusés de faire dans la spéculation. A une semaine de la fin de l'année, les arrivages de semences de pomme de terre auront atteint leur pic. Pourtant, nonobstant la qualité de certaines cargaisons qui n'auront pas convaincu les fellahs, il apparaît clairement que les quantités ne seront pas au rendez-vous, loin s'en faut ! En effet, depuis l'arrivée du premier navire en provenance de Belgique en date du 15 novembre 2006, ils seront moins de 15 navires à avoir accosté pour livrer environ 30 000 tonnes de semence. Il semble qu'au niveau des fournisseurs européens, les stocks se soient asséchés. Une issue qui avait été largement argumentée dans ces mêmes colonnes. L'Algérie est bel et bien dans une inextricable impasse. Nos besoins en semence se situent véritablement aux alentours de 80 000 tonnes. Il y a donc un déficit d'au moins 30 000 tonnes qu'il faudra combler. A défaut, il faudra s'attendre à importer de la pomme de terre fraîche. Car il n'est pas pensable que les prix exorbitants enregistrés durant l'intersaison soient reconduits sans risque de tension. C'est cette perspective qui aurait incité les pouvoirs publics à chercher d'autres sources d'approvisionnement. Selon des sources dignes de foi, des prospecteurs auraient été envoyés au lointain Canada pour y trouver la rallonge en semence qui manque. Une procédure d'urgence qui aurait été entreprise en dehors du cadre habituel des importateurs dûment agréés par le ministère de l'Agriculture. Une opération qui aurait incité l'association des exportateurs et importateurs à s'en démarquer. En effet, ayant une connaissance du marché canadien, ces opérateurs mettront en garde le ministère de l'Agriculture sur les risques que cela pourrait entraîner pour le pays quant au fait de recourir à ce circuit. Au demeurant, les quantités de semence disponibles dans ce pays de l'Amérique du Nord seraient bien loin de combler le déficit. Nos sources parlent de seulement 6000 tonnes qui seraient débarquées au niveau du port de Skikda et qui pourraient être acheminées vers les agriculteurs du Sud-Est, précisément ceux de Biskra et d'El Oued dont les CAPCS auraient été sollicitées pour participer à l'opération. Pour les professionnels de la filière, il va sans dire que si cette opération aboutissait, elle ne manquerait pas de soulever plusieurs questions. Notamment celles relatives à la qualité des opérateurs, à leurs modes de financements, au prix de cession à l'agriculteur et au coût et à la durée de la traversée de l'Atlantique. Rien que pour les frais de fret, il faudra débourser 150 dollars la tonne. Par ailleurs, la durée de la traversée peut atteindre 20 jours. On parle d'un seul navire qui pourrait appareiller depuis le Canada dans les prochains jours. Son arrivée, probablement au port de Skikda n'interviendra que durant la 3e semaine de janvier. Quant à la fameuse clause du calibre, qui est à la base de cette situation, il semblerait que celui en vigueur au Canada ne soit pas conforme à l'arrêté du 23 janvier 2005. La contrainte du calibre A El Harrouch, certains agriculteurs auraient commencé à lorgner du côté de cette semence canadienne, qu'en son temps la SAP avait bel et bien importée. C'était dans les années 1970, lorsque cet unique opérateur tentait d'élargir son champ de prospection. A moins d'un miracle, le front de la patate continuera à s'embraser. D'ailleurs, pas moins de six bateaux sont en rade à Mostaganem depuis plus de deux semaines. Occasionnant des surestaries qui seront répercutées sur le fellah. Les raisons de cette situation anachronique sont à chercher non pas du côté de l'EPM qui aura parfaitement joué son rôle, mais plutôt du côté des taxes inhérentes à la signature du contrat d'association avec l'UE. En effet, ce dernier exonère de toutes taxes seulement 45 000 t/an. Des opérateurs avisés auront fait le choix d'attendre la nouvelle année pour bénéficier de cette manne. D'où une insoutenable augmentation des prix de la semence. A la fin de l'année, la Spunta aura atteint 9800 DA le quintal. La Bartina, une variété rouge très prisée aura été négociée jusqu'à 11 000 DA ; soit plus de 3500 DA d'augmentation qui aura surtout bénéficié au marché parallèle. Avec environ 10 000 tonnes en rade et les 6000 tonnes d'outre Atlantique, l'Algérie, au prix de multiples convulsions, pourrait atteindre 45 000 à 50 000 tonnes de semences. Le spectre de l'année dernière est plus que jamais d'actualité.