La situation a vite été maîtrisée lundi vers 20h, après l'agression contre l'unité marine des garde-côtes d'El Kala par des jeunes dont on ne connaît pas encore avec précision les motifs qui les ont poussés à commettre un acte aussi stupide. Des renforts de police et de gendarmerie dépêchés en grand nombre du chef-lieu ont ramené le calme non sans avoir été contraints de tirer des coups de sommation sous une pluie de projectiles divers. C'est vers 18h que les assaillants, quelque 250 personnes connues pour être des gens de mer, ont encerclé l'ex-Boulodrome. Et c'est un peu après que les premiers cocktails Molotov sont tombés à l'intérieur de l'unité avant qu'elle ne soit investie par une cinquantaine de jeunes qui ont enjambé le mur d'enceinte. Ces gosses, saouls ou drogués dit-on, et dont la moyenne d'âge est de 16 ans, vont brûler des pneus et mettre à sac les locaux. Hier, la population d'El Kala, consternée par ces actes incompréhensibles, louait le sang-froid des gardes-côtes qui n'ont pas fait usage de leurs armes pendant l'agression. On ne sait pas où cela aurait pu mener dans le cas contraire. On relève, toutefois, trois blessés dans les rangs des gardes-côtes. Des enquêtes sont ouvertes pour identifier formellement les auteurs de ces actes et on s'attend des sanctions exemplaires. Du moins on l'espère, car on n'oublie pas ici que les réseaux imbriqués du trafic de corail et de drogue ont des parrains puissants et des complicités à tous les niveaux et dans tous les services. Avec les moyens dont ils ont bénéficié récemment, de nouvelles embarcations semi-rigides, les gardes-côtes d'El Kala ont livré une bataille sans merci aux pilleurs de corail qui ne pouvaient plus ainsi passer inaperçus ou se déplacer aussi aisément qu'auparavant. On a fait cas de plusieurs abandons de cette activité illicite et de la vente d'embarcation à des prix sacrifiés. Ceux qui s'y sont accrochés, encore très nombreux, ne pouvaient plus rapporter les quantités de corail récoltées. Les stocks planqués en mer aux endroits pointés par GPS ont pris du volume et n'ont pu être remis aux commanditaires qui s'impatientaient très probablement sous la pression de leurs receleurs. Les gardes-côtes sont ensuite passés à la vitesse supérieure et ont confisqué les GPS trouvés à bord des embarcations au motif qu'il faut une autorisation des télécommunications pour l'utilisation d'équipement de ce genre conformément à un texte de 2003. Sans le GPS, les pilleurs de corail ne peuvent pas retrouver la planque et le stock amassé est perdu à jamais sans les coordonnées précises du lieu. Les gardes-côtes venaient de porter un coup fatal à la mafia du corail. Manifestement désemparée, elle va lancer ses troupes contre l'unité marine pour récupérer les GPS au prétexte que les propriétaires auraient dû être informés de la réglementation avant d'être dépossédés de leur bien. Argument irrecevable, car en aucun cas ceci ne peut justifier une attaque en règle contre une caserne ! On a pu encore constater que pendant que les jeunes mettaient à sac l'unité marine, des groupes de gens plus âgés observaient la scène sans intervenir, pis quelques-uns incitaient carrément à plus de violence. Il ne fait aucun doute que c'est parmi eux que se trouvent les instigateurs de cette violence que les jeunes excités justifient par le manque de tout. « On n'a pas d'usine ici, on a rien, on a que le corail pour survivre ! » Pas tout à fait faux, car depuis que les gardes-côtes serrent la vis, les commerçants se plaignent d'une baisse de leur activité, comme les dealers, et on ajoute encore que les « cabarets » clandestins qui faisaient florès ont dû renvoyer leurs « hôtesses ». Une source digne de foi nous a déclaré qu'à quelques exceptions près, toutes les embarcations d'El Kala, qui compte 14 chalutiers, 111 petites métiers et 180 plaisanciers, s'adonnent à la récolte illicite du corail. Il ne reste plus rien de cet inestimable patrimoine national qui sert de biotope à la riche et variée faune des côtes d'El Kala. Les vrais pêcheurs se plaignent de ne plus rencontrer certaines espèces qui étaient tout à fait communes il y a encore quelques années. La guerre pour sauver le corail n'est pas encore gagnée, mais les gardes-côtes ont certainement remporté une première bataille.