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Expressions tous risques
Le monde arabe et ses intellectuels
Publié dans El Watan le 11 - 01 - 2007

La manifestation « Alger, capitale de la culture arabe » s'inscrit dans un contexte régional marqué par un recul de la liberté d'expression et une sorte de paralysie des intellectuels arabes.
Sera-t-elle une rencontre qui privilégiera les espaces officiels ou laissera-t-elle place aux personnalités culturelles réellement indépendantes ? La question reste ouverte. Mais jusqu'à présent, le discours conformiste qui traverse les contrées arabes s'est situé du côté des espaces officiels qui, de tout temps, ont banni la pensée libre et les paysages littéraires et artistiques, engendrant exils, renoncements et morts subites. Depuis longtemps, les lettrés arabes ont souffert de l'intolérance ambiante et des agressions continuelles les poussant parfois à de graves situations d'automutilation. Vivant déjà, comme leurs compatriotes, une sorte de schizophrénie avancée due à cette rencontre tragique avec un « Occident » arrogant, ils produisent un discours traversé par les lieux obligés de l'emprunt à l'Autre et les réminiscences d'un ancrage autochtone. Les pouvoirs en place ont disposé de scribes voués à l'éloge des chefs successifs. Ainsi, d'ordinaire, la censure marque la culture. Toute parole différente est considérée comme subversive, à tel point que les journaux étrangers, considérés comme peu recommandables, ont souvent été interdits d'entrée. Les gouvernements ont freiné toute voix autonome. Des pièces ont été interdites et des livres édités à l'étranger n'ont pu être distribués à Alger, au Caire, à Damas ou ailleurs. En Arabie Saoudite, les intellectuels de ce pays subissent un enterrement de troisième classe, souvent avec l'assentiment d'un certain Occident et de lettrés arabes. La pensée libre est souvent matraquée au nom de jugements moraux condamnant à la disparition tout verbe porteur de renouveau. La peur côtoie l'impuissance. La presse a toujours connu des moments difficiles, même si s'amorce aujourd'hui un dégel relatif. Ceci a conduit beaucoup de journalistes au silence ou au départ. Malgré cette dure situation, des plumes, quelque peu libres, arrivaient à s'exprimer tandis qu'une grande partie des journalistes, souvent sans titres, se prenaient pour des militants politiques et reproduisaient à longueur de colonnes le discours officiel, chantant d'improbables réalisations et délaissant royalement la fonction sacrée de leur métier : informer. Même au Caire sévissait une presse marquée par sa trop grande proximité avec le pouvoir, des noms comme Ahmed Baha'Edine ou Hassanein Heykal n'arrivaient pas distinguer entre leur fonction de journaliste et leur rôle peu innocent de conseillers des régnants. Mais paradoxalement, des journalistes peu connus à Damas, au Caire, à Tunis ou Alger, même marginalisés, arrivaient à exercer leur métier avec tous les risques possibles et tentaient, malgré les ravages de l'autocensure, de parler autrement. Ce fut le cas de l'expérience algérienne de la page culturelle d'Echaâb et du titre La République qui, grâce à un directeur sérieux et quelques plumes talentueuses, réussit à confectionner un journal attendu chaque matin par de nombreux lecteurs avant que la censure ne frappe durement ces deux équipes. L'autocensure caractérisait le paysage. A Tunis et à Damas, la presse, trop médiocre, reproduit tout simplement le discours gouvernemental. Encore une fois, des plumes courageuses, certes rares, ont toujours marqué le paysage culturel arabe. Malgré une féroce censure et des risques considérables, elles sont arrivées à produire un savoir autonome. Nous pouvons citer par exemple les travaux de Hichem Djaït, Abdellah Laroui, El Jabiri, Arkoun, Berrada... La lecture de leurs textes va au delà du constat pour interroger les fondements de la culture arabe et les réalités souvent ambiguës de la rencontre avec l'Europe.
Sur le terrain du pouvoir
Tout en les marginalisant, on veut faire des intellectuels des soldats de quelque cause perdue d'avance. Héritage absurde d'une culture rurale qui confond Etat et individu. L'universitaire et « l'intellectuel » (notion qu'il reste à définir) sont restés prisonniers d'un rapport maladif au pouvoir politique, tantôt par la répulsion, tantôt par l'attraction. Ainsi se pose la question, toujours d'actualité, de l'autonomie de l'intellectuel qui ne s'exprime qu'à travers l'assujetissement ou la contestation du discours officiel, ce qui l'amène, en fin de compte, à toujours jouer sur le terrain du pouvoir politique qui fixe ainsi les éléments de la discussion, piège les différents locuteurs et oriente leurs discours. Cela se vérifie par exemple avec les chercheurs en sciences sociales qui focalisent le plus souvent leurs analyses autour du fonctionnement des appareils, des enjeux idéologiques et des espaces politiques et occultent les mouvements sociaux et culturels. Ce n'est donc pas un hasard si les rares universitaires-chercheurs du monde arabe n'ont pas réussi à cerner les différentes secousses et mouvements qui ont agité leurs sociétés. Il y a également la question des références qui font du locuteur le producteur privilégié de la parole citée. On plaque souvent des grilles d'analyse sans tenter de les interpréter et de les interroger, alors que les sociétés comportent un certain nombre de particularités indécelables par ces grilles. Contrairement à de très nombreux universitaires qui usent le plus souvent de généralisations et d'escapades théoriques, il existe fort heureusement des Hocine M'roua, Tayeb Tizini, Samir Amin, Dowidar, Mahmoud Amin El Alem, Mostefa Lacheraf, Hassan Hanafi, Abdellah Laroui et Abed el Jabiri qui produisent une pensée libre bien que celle-ci évolue dans un milieu contraignant, condamnant le plus souvent ces hommes à se muer en voix vagabondes. Ce qui caractérise justement les travaux des intellectuels précités, c'est leur désir constant d'interroger les lieux concrets de l'événement sans évacuer les acquis de différents savoirs. Ils travaillent à partir de réalités concrètes, puisant leurs analyses du terrain et de territoires déterminés. Ouverts à toute entreprise d'investigation et d'interrogation du réel, ils allient leur savoir théorique à un certain engagement pratique. Ne cédant pas facilement aux appels confortables et compromettants des pouvoirs, ni aux schémas préétablis, ils exercent un questionnement continu d'événements apparemment évidents. Ainsi, la position de nombreux intellectuels arabes dans la question irakienne est justement travaillée par une grande méfiance à l'égard du discours « occidental » et une lecture réaliste des faits à partir de paramètres historiques et stratégiques. Mais cela ne signifie pas que les grands intellectuels arabes rejettent l'apport culturel « occidental ». Ils entreprennent, en fait, une introspection critique de ce « butin ». Dans le domaine des arts, les situations difficiles de censure et de répression n'empêchent pas quelques écrivains comme El Ghittani ou San'Allah Ibrahim, des cinéastes, des dramaturges et des penseurs, d'aborder des sujets tabous. Ces derniers temps, surtout avec les crises successives vécues par les Arabes, la parole se libère quelque peu et les gouvernements, sous la pression internationale, tentent de ménager quelques espaces de liberté. La contestation gronde dans toutes les sociétés arabes. Dans des pays comme la Mauritanie, l'Arabie-Saoudite, la Syrie ou Bahreïn, les choses commencent à changer. Des intellectuels, longtemps bâillonnés sinon enchaînés, s'expriment tout en s'exposant encore aux pires exactions. Même les thèmes de la littérature, du théâtre et du cinéma prennent une tournure politique où le désenchantement et la critique des mœurs politiques ne sont pas absents. Dans des pays où l'expression est comprimée, le théâtre peut également servir, dans certaines conditions, d'espace privilégié de détournement de la censure. Le manque de liberté d'expression a poussé de nombreux auteurs arabes à recourir à l'allusion et aux espaces métaphoriques et paraboliques. Il convoque des espaces spatio-temporels indéterminés. La mise en branle d'un espace et d'un temps mythique, pour dire un présent décevant et insupportable, prémunit parfois de certaines surprises désagréables. La convocation du passé permet de dénoncer des fléaux actuels, tels que la corruption, l'opportunisme, la mauvaise gestion politique et la répression. La pièce Soirée de gala à l'occasion du 5 juin du Syrien Saâdallah Wannous, interdite juste après sa sortie, critique sévèrement, les véritables responsables de cette catastrophe incarnés par les hommes du pouvoir qui n'agissent que par l'usage de la répression contre leur peuple. Les clous, de Saâdeddine Wahba, traitait de la lutte contre les Anglais en 1919, mais c'est surtout une acerbe critique contre l'incapacité des responsables égyptiens à mener la guerre contre Israël. D'ailleurs, les autorités égyptiennes censurèrent cette pièce pendant une certaine période.
L'intellectuel comme personnage
Une autre question importante souvent liée au problème du pouvoir est abordée par certains dramaturges, romanciers et cinéastes. Il s'agit de la place de l'intellectuel dans la société et de ses relations, souvent conflictuelles, avec les dirigeants. Le personnage d'El Hallaj, mystique exécuté en 922 à Baghdad, inspira quelques auteurs comme l'Egyptien Salah Abdessabour, le Tunisien Azzedine Madani et le Marocain Abdelkrim Berrechid. C'est surtout vers les années 1970 que cette question de l'intellectuel fût sérieusement traitée, d'autant que la défaite de juin 1967 laissa d'indélébiles traces dans le subconscient arabe. Un sentiment de culpabilité gagna de nombreux hommes de culture qui n'hésitèrent pas à aborder ce sujet comme s'il leur permettait en quelque sorte de se libérer d'un certain embastillement psychologique et social. Rida Qaysar, de Ali Akla Arsane, décrit le dilemme d'un écrivain romain, Plaute, qui n'arrive pas à se retrouver devant son désir d'exprimer les préoccupations du peuple et de satisfaire César, mais ses hésitations vont le mener à la prison et à la déchéance qui le pousse à trahir le peuple et à accepter de servir de faire-valoir du puissant du jour. Saâdallah Wannous ne va pas par trente six chemins en mettant en scène un directeur de théâtre qui se complaît à servir les dirigeantsalors qu'un écrivain, par une sorte de prise de conscience subite, prend position pour le peuple et la vérité. Deux personnages antithétiques et antagoniques qui représentent les deux types d'intellectuels possibles dans les sociétés arabes. Le désenchantement, né après les indépendances et accentué par la défaite de 1967, favorise un discours parfois nihiliste, lieu de déception et d'impuissance. Les personnages plongent dans le passé pour dire les trahisons présentes et les divers retournements historiques. Mohamed Maghout fait parler dans El Mouharej (Le clown) Abderrahmane Eddakhel qui effectue un voyage dans les pays arabes pour s'enquérir de la situation présente. Déjà, à chaque frontière, il est arrêté, puis comble de la tragicomédie, il est remis comme criminel aux autorités espagnoles contre quelques tonnes de matières alimentaires. Mohamed Dib, Sonallah Ibrahim, Mourad Bourboune, Jamal el Ghittani, Salah Abou Seïf, Zakaria Tamer… montrent dans leurs œuvres ce présent arabe décevant. Le cinéma a pris aussi cette direction en mettant en avant la responsabilité de l'intellectuel et des dirigeants politiques trop prompts à freiner toute possibilité d'ouverture. Youssef Chahine, Salah Abou Seïf, Shadi Abdeslam, Malas, Khleïfi ont tenté dans leurs films, à partir d'une structure duale convoquant passé et présent, de donner à voir le désenchantement qui marque les territoires arabes. Aujourd'hui, quelques voix commencent à s'imposer et à s'exprimer, dénonçant le plus souvent des dirigeants montrés comme de simples pantins. Malheureusement, de plus en plus, l'absence de liberté d'expression pousse une partie des élites arabes à s'installer à l'étranger.


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