Une partie non négligeable du trafic de psychotropes est produite dans les chaînes de fabrication de Saïdal. L'opérateur public est ainsi montré du doigt comme étant « indirectement » impliqué dans ce trafic qui a pris des proportions alarmantes ces dernières années. Selon un rapport rendu public hier lors d'un point de presse tenu au siège du commandement général du corps d'élite de la défense nationale, le Diazépam, commercialisé par Saïdal sous le nom de Valzépam, est le plus prisé chez les jeunes. En d'autres termes, les trafiquants, qui s'approvisionnent auprès des grossistes en médicaments, ne jurent que par ce comprimé de couleur bleue, dont l'unité est cédée sur le « marché de détail » pour environ 50 DA. Le prix de vente aux grossistes est fixé à 74,05 DA, alors que le prix « vignette » est évalué à 112,81 DA. Cette marge est partagée entre le grossiste et le gérant d'officine, du moins lorsqu'il s'agit d'obéir au circuit officiel et légal. Ces deux opérateurs, selon l'enquête, n'hésitent pas à « approvisionner » le marché parallèle, « donc le trafic de psychotropes », en proposant la boîte de Valzépam à pas moins de 600 DA, soit cinq fois son prix réel. Le prix peut atteindre les 1000 DA sur le marché de détail. « Lorsqu'il est en manque, le consommateur est prêt à faire n'importe quoi », affirme un expert en psychiatrie. Ces propos ont été d'ailleurs confirmés par l'étude faite par la Gendarmerie nationale. Vient ensuite le Rivotril, autre psychotrope tout aussi dangereux, suscitant immanquablement chez son consommateur, selon l'expert, une « toxicophilie » ou une dépendance inexorable. Les saisies effectuées durant les neuf mois de l'année en cours enregistrent une quantité de 100 928 comprimés. Une hausse de 100% par rapport à la même période de l'année 2003, où il est enregistré, selon le document de la gendarmerie, une quantité de 54 494 comprimés saisis. « Cela reste néanmoins la partie visible de l'iceberg », reconnaît le patron du bureau « Lutte contre le trafic de stupéfiants », le lieutenant-colonel Farid Djerboua. Selon lui, il existe plus de 200 grossistes à travers le pays, dont 79 installés à Constantine. L'est du pays est en effet qualifié de lieu où il y a une forte concentration de ce type d'activité. Une autre saisie, concernant le Rivotril, est à mettre aussi à l'actif de la gendarmerie. Le 7 septembre 2004, à Skikda, elle a mis la main sur 5000 unités de ce type de psychotrope. Six personnes ont été arrêtées dans les deux villes citées. Un indice révélant que la région est devenue une véritable plaque tournante de ce trafic, devançant ainsi Blida, qui, elle aussi, s'adonne à ce genre de trafic. Les grossistes « trafiquants » facturent à l'insu des pharmaciens pour détourner le produit du circuit licite par un simple jeu d'écriture, affirme-t-on encore auprès des services de sécurité. L'absence d'accusé de réception rend la tâche difficile aux enquêteurs pour recourir à la traçabilité de l'opération. A l'effet de contenir ce trafic, les services de sécurité préconisent une solution toute simple : « Identification de chaque client (grossiste) au lieu de la procédure actuelle qui fait que les numéros de lots correspondent à plusieurs clients. » Des dizaines de grossistes mêlés de près ou de loin à ce trafic et dont l'agrément est suspendu continuent à s'approvisionner normalement chez Saïdal. Ce « dysfonctionnement » est dû au fait que le ministère de la Santé, qui accorde les agréments, « omet » d'en informer Saïdal. « Les psychotropes faisant l'objet d'un vaste trafic, il est nécessaire de dissuader les trafiquants en mettant en place une réglementation plus sévère dans le domaine de la commercialisation et de régionaliser leur distribution », propose-t-on auprès des services de sécurité. Bien qu'il existe des centres de distribution Saïdal à Alger, Batna et Oran, des pharmaciens de l'Est et de l'Ouest viennent s'approvisionner à partir de l'unité commerciale, sise à El Harrach, « d'où des difficultés supplémentaires pour les agents de contrôle ».