Mis en cause dans l'affaire Khalifa, les Keramane tentent de se défendre… à distance. Refusant de se présenter devant la justice pour répondre des faits qui leur sont reprochés, les frères Keramane, qui auraient quitté l'Algérie, veulent prendre à témoin l'opinion publique quant à leur « innocence ». Hier, un communiqué de presse, joint de pièces et documents, a été remis à la rédaction. Ce dossier porte non pas sur Abdelouahab Keramane, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie qui a agréé El Khalifa Bank, mais sur Abdennour Keramane, ex-ministre de l'Industrie, et sa fille Yasmine, établie en Italie. Les rédacteurs du document ont « balayé » d'un revers de la main les multiples griefs retenus contre les Keramane, estimant qu'il s'agit « d'affirmations gratuites et orientées… et d'accusations fallacieuses proférées sans aucune preuve ». Le père et sa fille tentent de se disculper en présentant des « preuves ». On affirme dans le document que Yasmine Keramane a travaillé en tant que cadre pour Khalifa Airways, de 2000 à 2002. Elle était chargée d'ouvrir et de gérer le bureau de la compagnie à Milan (Italie). « La somme globale mise à la disposition de Yasmine Keramane pour le démarrage et le fonctionnement du bureau de Milan est de 228 675 euros et a été exclusivement dépensée dans ce cadre », atteste-t-on. Le bureau de Milan a été ouvert, mais la ligne aérienne Alger-Milan n'a pas vu le jour. « Que cette ligne n'ait pas été ouverte (...) cela ne relève pas de sa responsabilité », est-il écrit. On y ajoute : « Le virement du budget prévisionnel d'un montant d'un million de francs français (152 598 euros) a été effectué le 21 août 2000… » Le versement de cette somme dans le compte personnel de Yasmine Keramane a été effectué « à titre exceptionnel et provisoire », soit le temps qu'il fallait pour ouvrir un compte de la compagnie à Milan. La nécessité de ce versement est dictée par le fait qu'« un tel compte du bureau de représentation (…) ne pouvait être ouvert qu'après obtention de l'agrément à l'inscription à la Chambre de commerce de Milan et l'attribution d'un code fiscal par le ministère des Finances ». Pour obtenir l'agrément, il faut avoir un siège. Le compte a été ouvert le 13 mars 2001. « Un virement de 76 077 euros (soit 500 000 FF) a été effectué directement à ce compte, le 1er février 2002 », ajoute-t-on. Ce dernier virement n'était pas connu par l'instruction, le réquisitoire du parquet du 7 septembre ne l'ayant pas signalé. « C'est au cours de son audition du 25 octobre 2004 que Yasmine Keramane l'a révélé au juge d'instruction, ce qui constitue une preuve évidente de son intégrité... », soutient-on. Il est fait état des détails des dépenses, avec pièces justificatives : 94 575 euros ont couvert ses salaires pour plus de deux ans, 99 746 euros de charges locatives, 13 777 euros pour l'aménagement du bureau, achat de l'immobilier, 54 120 euros de charges sociales, 57 483 euros d'impôts... Toute somme dépensée est justifiée par des documents. « Le total de ces dépenses s'élève à 358 462 euros, alors qu'elle n'a reçu de la compagnie que 228 675 euros », souligne-t-on, attestant que, devant la défaillance de son employeur, Yasmine Keramane a été contrainte de prendre en charge le déficit, de l'ordre de 129 786 euros. Elle a réclamé au liquidateur d'El Khalifa Bank « une somme ramenée à 78 076 euros, compte tenu du fait que, ayant demandé à quitter son poste à Milan à la fin 2002, elle a renoncé à son salaire de 2003 et à ses indemnités de préavis… ».Dans le même dossier, on affirme que l'unique lien existant entre Abdennour Keramane, le père de Yasmine, et la compagnie Khalifa Airways est la distribution sur ses lignes aériennes de la revue MEDénergie dont il est le fondateur. « La somme de 22 867,35 euros représentant le paiement des abonnements livrés à la compagnie a été utilisée dans son intégralité au fonctionnement de la société MEDénergie (...). Lorsque la revue MEDénergie a été lancée en 2001 et l'abonnement à Khalifa Airways livré, Abdelouahab Keramane n'était plus gouverneur de la Banque d'Algérie — tout lien entre ces deux faits procéderait de l'imagination et de la malveillance. » Il est précisé que tous les faits ont été expliqués au juge d'instruction et les pièces justifiant les dépenses remises. « Pourquoi ces faits et documents, qui sont censés figurer au dossier, ne sont cités ni dans l'ordonnance de transmission du magistrat instructeur ni dans l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation ? Pourquoi — ainsi qu'il ressort de cette ordonnance, de cet arrêt, ainsi que des comptes rendus des premiers jours du procès — ces faits sont-ils totalement ignorés et systématiquement occultés ? », s'interroge la famille Keramane.