Après avoir été à la rencontre d'un peuple et de ses dirigeants, le journaliste marocain Ali Lmrabet a cette fois-ci brisé un second tabou au sujet de la question du Sahara-Occidental évoquée dans le royaume qu'en termes de « cause nationale » et de « provinces du Sud ». Il a donc non seulement constaté que le peuple sahraoui existe bel et bien, mais que ce dernier n'a pas renié sa cause et l'objectif de sa lutte, malgré les dures épreuves. « Aussi, tous les Sahraouis, qu'ils vivent dans les camps de réfugiés ou dans les territoires du Sahara-Occidental sous occupation marocaine, sont pour l'indépendance et c'est pour cela que le Maroc rejette le référendum d'autodétermination », a affirmé le journaliste marocain Ali Lmrabet, dans une contribution publiée samedi par le quotidien espagnol El Mundo. Le premier à l'avoir constaté est le défunt souverain marocain Hassan II durant l'été 1991 quand il a bloqué l'application du processus de paix de l'ONU qu'il avait accepté auparavant, certain, disait-on, à l'époque que les Sahraouis voteraient pour le rattachement de leur territoire au Maroc. Ensuite son fils et successeur reprit le dossier à sa mort en 1999, et a vite limogé le ministre de l'Intérieur de l'époque Driss Basri, qui, malgré tous les moyens mis à sa disposition, a échoué dans sa mission de faire des Sahraouis de bons sujets de sa majesté. Dans cette contribution, Ali Lmrabet répond à un article d'un universitaire espagnol (Bernabe Lopez Garcia), publié dernièrement par le journal El Pais, selon qui la société espagnole a appuyé inconditionnellement durant des décennies les Sahraouis vivant dans les camps de réfugiés, ignorant le gros de la population sahraouie résidant dans l'ancienne colonie espagnole. Cette idée, « assez proche d'une thèse en vogue au Maroc », reflète une « fausse croyance selon laquelle les Sahraouis seraient divisés en deux camps » : ceux qui soutiennent l'indépendance et ceux qui ne partagent pas cette option, a-t-il souligné. Pour le journaliste marocain, « il n'est pas nécessaire d'ajouter que si tout cela était vrai, les amis et les thuriféraires du Maroc – il y en a aussi en Espagne – devraient inciter les autorités de mon pays à organiser rapidement, sous la supervision de l'ONU, un référendum d'autodétermination pour que nos Sahraouis (ceux des territoires occupés) puissent proclamer au monde qu'ils nous aiment... ». Mais, la « réalité ne se trouve pas dans les journaux télévisés, ni dans les contrevérités publiées par notre presse depuis plus de 30 ans », a encore affirmé Ali Lmrabet, relevant qu'« il faut être aveugle » pour ne pas se rendre compte de « l'évidence » que, hormis une certaine classe de notables que l'on peut qualifier de « girouettes », étant donné qu'ils « s'accommoderaient d'un quelconque pouvoir », les Sahraouis sont « indépendantistes ». « 30 ans de répression et de négation de l'existence d'un peuple et d'une culture sahraouie ont produit l'effet contraire » à celui recherché, a-t-il poursuivi. Un verdict sans appel et qui correspond avec exactitude à ce que réclame la communauté internationale, à savoir un référendum d'autodétermination. Ali Lmrabet a indiqué, dans ce contexte, que, lors d'une récente visite qu'il a effectuée aux territoires sahraouis occupés, l'un de ces notables, qui en public se disent « pro-marocains », tenait, en privé, un discours favorable à l'indépendance. « Hassan II et Mohammed VI ont échoué dans leur politique de marocanisation des esprits et des cœurs des Sahraouis (...). Si nous ne pouvons pas compter sur ceux qui bénéficient de notre présence au Sahara (...), que peut-on attendre du reste de la population », s'est-il interrogé. « Les autorités marocaines connaissent cette réalité et c'est pour cela qu'elles s'obstinent à empêcher la tenue d'un référendum d'autodétermination ? », a-t-il noté. Il a déploré que le conflit du Sahara-Occidental ait « appauvri économiquement les Marocains, freinant leur développement et désactivant les partis politiques, convertis en porte-voix du régime et gardiens du dogme officiel ». Il a souligné, dans ce sens, le paradoxe du « progressiste marocain qui comprend et appuie la légitime revendication des Palestiniens à avoir leur Etat, mais qui devient intolérant » lorsqu'il s'agit de tenir un « débat argumenté » avec un Sahraoui qui soutient l'indépendance. Les Sahraouis avaient déjà appelé cela « l'opposition royale », soulignant qu'en réalité, celle-ci n'existe pas. Ou encore que si débat il y a au Maroc, certaines questions sont encore exclues ; comme la monarchie, ou la question du Sahara-Occidental. Les Marocains et leurs alliés comptaient peut-être sur le temps, mais le sentiment nationaliste des Sahraouis est demeuré intact.