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Dix ans sans écrire
Publié dans El Watan le 13 - 04 - 2005


Une nouvelle affaire impliquant le pouvoir et la presse marocaine est en train de prendre sa source au sein du royaume voisin. A cause d'un écrit foulant aux pieds, au regard des autorités marocaines, « la morale nationale » et écorchant sensiblement « la cause sacrée » qu'est la souveraineté chérifienne sur le Sahara-Occidental, l'ennemi intellectuel numéro un du Roi vient d'être interdit d'écriture pendant dix ans. Ce verdict, pour le moins époustouflant, intervient à quelques encablures de la libération de prison de ce trouble-fête qu'on appelle Ali Lmrabet et qui avait suscité à l'époque un élan de solidarité internationale remarquable. Cette fois-ci, pour avoir osé énoncer cette vérité sans cesse ressassée qu'un peuple sahraoui existait bel et bien physiquement et qu'il rejetait depuis 30 ans la tutelle marocaine, Ali Lmrabet revient, à son corps défendant, au-devant de la scène médiatico-politique. Ce pays, qui s'enorgueillit d'être une place forte de la liberté d'expression, démontre par ce curieux tour de force judiciaire qu'il lui reste encore du chemin à faire pour être une entité démocratique viable. Car, il faut le reconnaître, le Maroc reste encore un pays de demi-mesures puisqu'il existe des sujets tabous que la presse locale se garde bien de transgresser. Et c'est justement pour perpétuer ce balisage que la justice marocaine a fait appel à cet artifice juridique d'un autre âge qui consiste dans ce cas à empêcher, pendant dix longues années, un journaliste de créer un journal pour éclairer l'opinion publique marocaine intoxiquée par trois décennies de propagande du palais royal que, primo, le peuple réfugié sahraoui n'est pas prisonnier à Tindouf de la sécurité militaire algérienne. Secundo qu'il n'aspire à retourner dans la terre de ses ancêtres qu'une fois le pays décolonisé de la présence marocaine et que, tertio, il puisse s'autodéterminer librement sur son devenir. Longtemps accusés à tort par les incessantes campagnes de presse marocaines d'indifférence à l'égard de ce problème, les Algériens de tout acabit estiment que, même s'ils compatissent avec les souffrances du peuple sahraoui, cela ne leur a jamais été imposé par le pouvoir algérien comme un acte de survie mais simplement explicité comme une pure opération de décolonisation ayant mal tourné à cause de la mainmise marocaine. En clair, et pour revenir au cas Lmrabet, le pouvoir marocain ne tente ni plus ni moins que de maintenir la censure intellectuelle et morale sur le problème du Sahara-Occidental, question qui ne devra sous aucun prétexte donner matière à débat au niveau des médias locaux et encore moins s'installer durablement sur la place publique marocaine, quitte à s'attirer la désapprobation des instances internationales de liberté de la presse et d'expression.

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