La salle de cinéma Rouiched (ex-Royal), sise à la rue Tripoli, n'en finit pas de perdre de sa splendeur. Les dernières pluies qui se sont abattues sur la capitale ont eu raison de sa structure. Fermée aux cinéphiles depuis longtemps, cette salle a vu sa charpente, pourtant refaite, s'affaisser, emportant avec elle une grande partie du plafond. Un grand cratère est d'ailleurs visible à partir de l'immeuble voisin et l'on aperçoit les tentures et les sièges de la salle de projection. « J'ai été réveillé par un bruit assourdissant à trois heures du matin. J'ai cru entendre une bombe déposée tout près du siège de la daïra d'Hussein Dey, situé sur l'autre trottoir. J'ai couru vers le gardien de la salle qui m'a dit, sous le choc, qu'une bombe a été déposée dans la salle », assure un riverain. Les travaux menés pour la réhabilitation de cette dernière sont remis en cause. Les riverains assurent que les ouvriers de l'entreprise engagée par le comité de la ville d'Alger (CPVA), ancien gérant de la structure, ont enlevé les tuiles existantes pour les remplacer par la taule qui est venue fragiliser les vieux madriers placés au temps de la France. Une autre matière a été également posée pour éviter l'infiltration des eaux, rendant plus lourde la charpente.Toutefois, la crainte de nos interlocuteurs est de voir le mur surplombant leur maison, sise au 44 rue Tripoli, s'affaisser un jour ou l'autre. Des craquelures sont d'ailleurs visibles le long de ce mur. « S'il venait à s'effondrer, une partie de la chambre à coucher de mon frère ainsi que la dalle de la salle seront touchées. Le restaurant classé, le Cèdre, mitoyen de l'imposante structure, risque aussi d'en faire les frais. Ce local, long de quelques mètres, risque d'être touché par les morceaux qui se détacheront du mur », s'indigne ce même voisin. Les responsables n'ont pas répondu aux sollicitations des occupants des maisons mitoyennes de la salle obscure. « On a fait le pied de grue pour parler au wali délégué qui n'a pas daigné nous recevoir. Le lendemain, on est revenus à la charge, toujours sans succès. Mais cette fois-ci, on a été reçus par un autre responsable qui a pris note. Depuis, rien n'est venu nous soulager », atteste notre interlocuteur qui assure qu'il faut qu'un drame arrive pour que les autorités réagissent. Inauguré en grande pompe en 1999 par l'ancien gouverneur d'Alger, l'ex-Tripoli devrait accueillir, croit-on savoir, des festivités de l'évènement d'Alger, capitale de la culture arabe. Cet affaissement n'est pas la première agression que subit cette salle mythique, l'unique au niveau d'Hussein Dey ; l'autre ayant été transformé en « bazar ». « L'une des issues de secours a été transformée en magasin au temps des APC FIS », s'insurge notre interlocuteur. Pour lui les services devant prendre à bras-le-corps cette structure n'en ont cure. « Comme notre humoriste Rouiched nous a fait sourire de son vivant, en raison de la salle qui porte son nom, il nous fait pleurer », déplore, amèrement notre vis-à-vis qui affirme que c'est oublier le legs de cet artiste au long court que de laisser à l'abandon ce joyau. Le service de la communication d'Arts et Culture explique l'affaissement de la salle par le tremblement de terre du 21 mai 2003. Cet EPIC, qui a hérité de l'ex-CPVA la structure, considère par la voix de sa chargée de communication par intérim que son institution a « pris ses dispositions » Lesquelles ? Elle ne saura trop nous répondre. Pour elle, l'établissement « a d'autres soucis ». D'ailleurs, un programme de réhabilitation des salles de cinéma, qui touchera en premier le centre de la capitale, est en cours. Toutefois, faut-il rappeler, même les salles connaissent une cadence des travaux, guère appréciable, en vue d'abriter l'événement d'Alger, capitale de la culture arabe. Le directeur d'Arts et Culture n'a apparemment rien à dire. Le wali délégué d'Hussein Dey et son chef de cabinet vers lequel on a été orientés « étaient en réunion ».