Au lendemain de son indépendance, l'Algérie, à elle seule, comptait plus de salles que les deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie, réunis. Aujourd'hui, la situation est inversée et bel et bien inversée. Alors que nos voisins ont ouvert de nouvelles salles, construit des multiplexes et multiplié les festivals, chez nous on fermait les salles et/ou on les laissait en déshérence, livrées à elles mêmes et aux mains de personnes qui n'ont aucun rapport avec le 7ème art, si ce n'est celui de l'argent. Ces dernières années, on s'est penché sur la situation de ces salles et on a entrepris d'en restaurer certaines. Mais, à l'exception de quelques-uns, ces chantiers de restauration sont loin d'être bouclés et le nombre de salles fermées est toujours aussi important. Quant à celles qui ont rouvert leurs portes, un certain nombre, à cause d'un mauvais entretien et du manque de civisme des citoyens, ont déjà perdu leur lustre fraîchement acquis et font mauvaise figure. Parmi les chantiers de restauration qui se sont inscrits dans la durée, on ne peut manquer de citer celui de la salle Atlas, à Bab El Oued. Cette salle, qui auparavant était qualifiée de «prestigieuse», a, aujourd'hui, perdu sa splendeur. Cette dernière, qui, dans les années 1950, 1960 et 1970, a accueilli nombre de familles, reçu tous les cinéphiles d'Alger pour des projections de grands films et abrité des concerts d'illustres artistes, est fermée pour travaux. Que devient cette salle de cinéma qui est gérée par l'Office national de la culture et de l'information (ONCI) ? Aujourd'hui, l'Atlas n'a plus rien de prestigieux. Ceux qui l'ont connu à son âge d'or, ne le reconnaissent plus. Seuls les habitants du quartier de Bab El Oued gardent encore un souvenir lointain de l'Atlas, qui s'appelait avant «le Majestic» et qui a toujours fait partie du décor, auquel, en raison de son architecture externe, elle apportait sa touche artistique. Pis, rien n'indique actuellement qu'il s'agit là d'une salle de cinéma. C'est une grande bâtisse qui peut passer pour un entrepôt ou tout simplement un garage. Il y en a même qui croient que c'est une bibliothèque. Car, dans les années 1993, 1994, il y avait une petite bibliothèque attenant à la salle où les élèves de terminale venaient étudier et emprunter des livres. «Je n'ai jamais su que c'était une salle de cinéma. Pour moi, l'Atlas, c'est une bibliothèque. Une fois seulement, il y a eu un spectacle, et on a fait une sortie avec le lycée», se remémore Hayet, jeune chirurgien-dentiste qui la fréquentait à l'époque où elle était lycéenne. La salle avait fait l'objet de plusieurs rénovations. «Depuis des décennies que cette ‘‘pauvre'' salle est en rénovation», nous confie un habitant de Bab El Oued. «La première, je crois que c'était vers la fin des années soixante. C'était pour le Festival panafricain.» Ensuite en 2002, mais les travaux se sont arrêtés, et ce n'est qu'en 2004 qu'a été reprise la restauration» qui est toujours en cours, ajoutera notre interlocuteur. Les travaux de restauration devaient prendre fin en 2005. Mais cette échéance a dû être repoussée au 1er janvier 2007, pour que l'Atlas puisse accueillir quelques activités de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007». Ce rendez-vous n'a pas été respecté encore une fois et un autre report donnera la date d'ouverture de la salle pour juin 2008. Août tire à sa fin et la salle est toujours fermée. Le défunt Majestic, jusqu'à aujourd'hui, est en chantier. Le drame est que le peu qui a été réalisé montre déjà que les travaux interminables accoucheront d'une salle dont l'esthétique laisse à désirer. L'Atlas a perdu sa beauté architecturale d'antan qui le distinguait dans le tissu urbain environnant, sans gagner au change. Ce n'est aujourd'hui qu'un grand cube avec une apparence kitch, ni moderne ni originale. Mais l'Atlas n'est qu'une facette d'un drame qui s'étend à tout le pays. Nombreuses sont les infrastructures culturelles qui restent encore au stade de projet. Alger, la capitale, attend toujours sa grande salle de concert. On en parle depuis longtemps, mais à ce jour, ce n'est qu'un projet en gestation. Quant aux théâtres de quartier, aux multiplexes, salles de danse…, ce ne sont pour l'heure que des rêves. Et là, on ne parle que de la capitale qui a perdu nombre de ses infrastructures et peine à les récupérer et à en acquérir de nouvelles. Dans les petites villes et villages d'Algérie, la culture n'a pas droit de cité. C'est le désert. Dans ces localités, les activités culturelles sont rares ou inexistantes. Le moindre spectacle constitue un événement, voire l'événement. De plus, le tout n'est pas de construire. Le plus important est de savoir que faire de l'infrastructure une fois opérationnelle. Car, un cinéma, un théâtre ou une bibliothèque ne serviront à rien si la culture ou le public n'y sont pas. Tout est à faire pour arriver à une réelle socialisation de la culture. T. L.