Une vague de froid qui fait plus de soixante victimes aux Etats-Unis, une tempête et des vents allant jusqu'à 180 km/h qui causent la mort de plus de trente personnes en Europe, des intempéries qui entraînent la coupure d'un oléoduc entre la Russie et l'Europe centrale, l'évacuation de la plus grande gare d'Europe à Berlin, la suspension du trafic maritime entre le France et le Royaume-Uni… En ce mois de janvier, il fait meilleur vivre en Algérie. Baignée d'un soleil printanier, les températures y sont aussi supérieures de deux à trois degrés à la moyenne saisonnière, atteignant régulièrement 20°C dans l'après-midi. Coupable idéal, le réchauffement climatique peut-il expliquer pour autant de tels emballements et de tels écarts à des endroits distants d'un millier de kilomètres à peine ? « On a de forts soupçons, reconnaît Laurence Eymard, directrice du laboratoire d'océanographie et du climat à l'Institut pour la recherche et le développement, mais il faut être prudent, car nous manquons de recul. Seule la continuité des événements, sur plusieurs dizaines d'années, peut justifier d'une évolution climatique. » Exemple : si de grosses anomalies climatiques ont été relevées au cours du XXe siècle, avec parfois des fluctuations de températures de 6°C, l'augmentation générale de la température sur le siècle a été de « seulement » 0,5°C. Sur quoi se fondent donc les soupçons des scientifiques ? Sur la répétitivité des phénomènes. Les tempêtes, de même que les vagues de douceur, n'ont rien d'exceptionnel, mais alors qu'auparavant elles restaient isolées, elles sont aujourd'hui plus fréquentes. La démonstration est presque mathématique. « Plus les températures augmentent, plus elles alimentent la machine climatique en énergie, poursuit Laurence Eymard. Cette chaleur est ensuite transformée en nuages, pluies, vents… Et plus elle est importante, plus les événements se manifestent de façon violente. » Etienne Kapikian, ingénieur prévisionniste à Météo France, explique qu'un effet balancier, à très grande échelle, pourrait aussi expliquer de tels écarts d'un continent à l'autre. « La douceur qui se maintient en Europe et en Afrique du Nord est liée aux vents de sud-ouest qui ramènent des masses d'air chaud depuis le début de l'automne », note-t-il. Des situations stables comme celles-ci peuvent favoriser, à des dizaines de milliers de kilomètres de là, par compensation, la descente d'air polaire, comme ce fut le cas en Californie. Mais il n'est pas évident de donner une explication rationnelle, car la variabilité du climat est complexe… « Surtout quand l'homme contribue, en modifiant son environnement, à rendre les analyses encore plus délicates. On oublie que depuis cinquante ans, l'homme déforeste massivement et modifie la nature des sols, ajoute Laurence Eymard. La modélisation des effets de l'action de l'homme n'en est qu'à ses débuts, mais on sait par exemple que les surfaces lisses ne permettent plus d'absorber les tempêtes. »